ebres. Cependant, la table etait dressee et
toute servie, comme si Pardaillan eut attendu un convive. C'est-a-dire
que sur cette table, il y avait de quoi apaiser la fringale de trois ou
quatre bons mangeurs. Pardaillan etait ainsi prodigue et outrancier des
qu'il traitait quelqu'un.
Ce quelqu'un arriva enfin, et Pardaillan appelant une servante fit
aussitot renforcer l'eclairage par deux ou trois flambeaux. Alors, a la
lumiere plus vive qui inonda la chambre, le visiteur de Pardaillan--son
convive--apparut, et ayant laisse tomber son manteau, montra les rudes
moustaches et le front cicatrise couture de balafres, et le regard loyal
du brave Crillon... c'etait Crillon qui rendait visite a Pardaillan!
Pourquoi! dans quel but?... Nous allons le savoir.
Le matin, Crillon, comme on l'a vu, avait quitte la chambre royale,
pour ne pas assister aux preparatifs d'un guet-apens qu'il reprouvait.
Crillon avait soigneusement visite les postes. Il renforca les points
faibles. Il doubla le nombre des patrouilles. En sorte qu'a partir de ce
moment, le chateau ne retentit plus que du pas des soldats et du bruit
des armes.
Lorsqu'il eut donne les mots d'ordre et change les consignes, Crillon
sortit du chateau dans l'intention d'en faire le tour et de s'assurer
qu'aucun coup de main n'etait possible. Comme il quittait l'esplanade
qui s'etendait devant le porche, il s'apercut qu'on le suivait a
distance. Il s'arreta en froncant les sourcils.
Cependant, l'homme qui semblait le suivre s'etait rapproche de Crillon
et marchait droit sur lui, enveloppe dans sa cape jusqu'aux yeux, car le
froid etait violent, et un petit vent du nord balayait le plateau.
--Parbleu, monsieur, dit Crillon quand l'inconnu ne fut plus qu'a deux
pas, est-ce a moi que vous en voulez?
--Oui, sire Louis de Grillon, fit tranquillement l'homme.
Mais en meme temps, cet homme laissa son visage a decouvert et se mit a
regarder Crillon en souriant. Crillon le reconnut aussitot et tendit sa
main d'un mouvement cordial.
--Le chevalier de Pardaillan! s'ecria-t-il...
--Lui-meme, capitaine, et qui court apres vous... pour vous rappeler une
promesse que vous me fites...
--Laquelle?
--Celle de me presenter au roi.
--Ah! par la mortboeuf, ce n'est pas trop tot! fit Crillon avec un large
sourire de bienveillance. Peu m'importent les motifs pour lesquels vous
avez besoin de voir le roi. Il suffit que vous souhaitiez etre presente
a Sa Majeste. Ce sera fait
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