e de ton, descend des sommets de l'amour dans
la simplicite de l'existence quotidienne. Il lui plait de rassurer Musset,
en accumulant des details sur l'emploi de son temps. On peut douter qu'ils
soient conformes a la verite. Elle ment pour endormir les inquietudes de
l'absent: "Je vis a peu pres seule. Rebizzo vient me voir une demi-heure
le matin. Pagello vient diner avec moi et me quitte a huit heures. Il est
tres occupe de ses malades." Elle raconte ensuite les mesaventures
amoureuses du beau docteur, poursuivi, relance par une ancienne maitresse,
l'Arpalice, une veritable furie. "Cette femme, dit-elle, vient me demander
de les reconcilier; je ne peux pas faire autrement, quoique je sente bien
que je leur rends a l'un et a l'autre un assez mauvais service. Pagello
est un ange de vertu et meriterait d'etre heureux... Je passe avec lui les
plus doux moments de ma journee a parler de toi. Il est si sensible et si
bon, cet homme! Il comprend si bien ma tristesse, il la respecte si
religieusement! C'est un muet qui se ferait couper la tete pour moi. Il
m'entoure de soins et d'attentions dont je ne me suis jamais fait l'idee.
Je n'ai pas le temps de former un souhait, il devine toutes les choses
materielles qui peuvent servir a me rendre la vie meilleure."
Pour completer l'idylle et occuper les moments ou Pagello est retenu par
sa clientele et par l'Arpalice, George Sand a un autre compagnon dont
Alfred de Musset ne prendra pas ombrage, non plus que Catulle du moineau
de Lesbie. "J'ai, dit-elle, un ami intime qui fait mes delices et que tu
aimerais a la folie. C'est un sansonnet familier que Pagello a tire un
matin de sa poche et qu'il a mis sur mon epaule. Figure-toi l'etre le plus
insolent, le plus poltron, le plus espiegle, le plus gourmand, le plus
extravagant. Je crois que l'ame de Jean Kreyssler est passee dans le corps
de cet animal. Il boit de l'encre, il mange le tabac de ma pipe tout
allumee; la fumee le rejouit beaucoup et, tout le temps que je fume, il
est perche sur le baton et se penche amoureusement vers la capsule
fumante. Il est sur mon genou ou sur mon pied quand je travaille; il
m'arrache des mains tout ce que je mange; il foire sur le _bel vestito_
de Pagello. Enfin c'est un animal charmant. Bientot il parlera; il
commence a essayer le nom de George."
Elle tient egalement Alfred de Musset au courant de ses travaux
litteraires; car il est charge de negocier avec Buloz, qui reclame sans
cesse de la cop
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