ie et ne se hate pas d'envoyer de l'argent. Avant de
quitter Paris, elle a livre a la _Revue_ le _Secretaire intime_, oeuvre
faite a la hate, qui nous montre la princesse Cavalcanti rencontrant sur
les grandes routes le jeune comte de Saint-Julien et l'attachant a sa
personne. Durant les six mois de sejour a Venise, la production de George
Sand est particulierement abondante. Ce sont des nouvelles, comme _Mattea_,
histoire de la fille du marchand de soieries, Zacomo Spada, qui devient
amoureuse du Turc Abul. C'est _Leone Leoni_, compose en huit jours. Le
dessein de l'auteur fut de faire de Manon Lescaut un homme, de Des Grieux
une femme. On reputa dangereux cet ouvrage qui nous presente un aventurier
enlevant une jeune fille, vivant de jeu et de vol, sachant malgre tout se
faire aimer de la malheureuse et la soumettant a son empire. Une partie du
roman se passe a Venise, ou il fut ecrit durant le carnaval. George Sand a
etrangement idealise le miserable Leoni et tristement ravale l'infortunee
Juliette qu'il tache de vendre a son ami lord Edwards et qu'il oblige a
demeurer chez sa maitresse, une princesse Zagarolo, riche et phtisique,
qui l'a institue son heritier. Et Juliette se resigne, par une monstrueuse
bassesse d'amour. "J'avais fini, avoue-t-elle, par m'habituer a voir leurs
baisers et a entendre leurs fadeurs sans en etre revoltee." En depit des
avanies qu'il lui faut subir, elle ne peut briser la chaine qui l'attache
a Leoni. "C'est le boulet qui accouple les galeriens, mais c'est la main
de Dieu qui l'a rive."
_Andre_, que George Sand avait commence avant le depart d'Alfred de Musset,
est une etude de moeurs provinciales, telle qu'elle avait pu les observer
a La Chatre. "C'est, dit la preface de 1851, au sein de la belle Venise,
au bruit des eaux tranquilles que souleve la rame, au son des guitares
errantes, et en face des palais feeriques qui partout projettent leur
ombre sur les canaux les plus etroits et les moins frequentes, que je me
rappelai les rues sales et noires, les maisons dejetees, les pauvres toits
moussus, et les aigres concerts de coqs, d'enfants et de chats de ma
petite ville." L'intrigue est menue: c'est l'histoire des amours du jeune
comte Andre de Morand avec la grisette--comme on disait alors--Genevieve,
ouvriere en fleurs artificielles. La grisette, selon la definition des
dictionnaires, etait et est peut-etre encore une fille de condition
modeste, de moeurs accueillantes, mais non venales.
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