n laissant tout sentiment
amoureux de cote, elle ne pouvait pas rester indifferente au sort de
Pardaillan. Elle avait dit le mot exact quand elle avait dit au Chico
qu'elle aimait Pardaillan comme un frere aine.
Dans ces conditions, comme le nain, elle devait etre disposee a tenter
l'impossible, meme a sacrifier sa vie au besoin, pour le secourir.
Pour le Chico, les entretiens qu'il avait eus avec Pardaillan avaient
completement dissipe cette jalousie furieuse qui avait fait de lui le
complice de Fausta. Il savait que Juana ne serait jamais qu'une petite
amie pour le chevalier. S'il avait garde le moindre doute a cet egard,
les paroles de Juana lui disant qu'elle considerait Pardaillan comme un
frere eussent fait tomber ce doute.
Malheureusement pour lui, influence sans doute par ce qu'il avait
accoutume d'entendre sur son compte, vivant sans cesse dans la solitude,
il s'exagerait outre mesure son inferiorite physique.
Tout ce que Pardaillan avait pu lui dire sur ce sujet n'etait pas
parvenu a l'ebranler. Il restait immuablement convaincu que jamais
aucune femme, fut-elle petite et mignonne comme Juana, ne voudrait de
lui pour epoux.
Ayant cette idee bien ancree dans la tete, pour qu'il osat avouer son
amour, il eut fallu qu'il fut sur le point d'expirer; ou bien que
Juana elle-meme, renversant les roles, parlat la premiere. Mais ceci
n'arriverait jamais, n'est-ce pas? Il savait bien que Juana ne l'aimait
que comme un frere. Celui qu'elle aimait, quoi qu'elle en dit, c'etait
Pardaillan.
De meme que lui savait que Juana ne serait jamais a lui, elle devait
savoir, elle, qu'elle ne serait jamais a Pardaillan. Ce n'etait pas au
moment ou il pensait qu'elle devait eprouver une peine affreuse qu'il
trouverait le courage de dire ce qu'il n'avait jamais ose dire jusqu'a
ce jour. De la, cette reserve excessive que Juana prenait pour de la
froideur et de l'indifference.
D'autre part, il pensait que le meilleur moyen de temoigner son amour
etait de ne paraitre s'occuper que de Pardaillan, a qui, sans nul doute,
elle pensait exclusivement. Et, comme sur ce point il etait en outre
pousse par son amitie ardente, il n'avait pas beaucoup de peine a rester
dans le role qu'il s'etait dicte.
Quant a Juana, consciente de la distance qui la separait de Pardaillan,
ramenee au sens de la realite par des paroles douces, mais fermes,
eclairee par la logique d'un raisonnement serre, elle avait compris
qu'il lui fallait renoncer
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