sur lui
assurait que le seigneur francais etait la loyaute meme. Pardaillan
avait ajoute:
"Ta Juana ne m'aime pas, ne m'a jamais aime."
Et, la, le doute le reprenait. Tant que son grand ami ne parlait que de
lui-meme, il pouvait s'en rapporter a lui et le croire sur parole. Mais,
lorsqu'il parlait des autres, il pouvait se tromper. D'apres les paroles
de Juana, il croyait comprendre que Pardaillan avait du lui parler, la
moraliser, lui faire entendre qu'elle n'avait rien a esperer de lui.
Cependant, Juana ne reculait pas devant l'evocation terrifiante de la
torture et revendiquait, avec un calme souriant, son droit a participer
au sauvetage de celui qu'elle aimait encore et malgre tout. Pour lui,
c'etait clair et simple: Juana aimerait, sans espoir et jusqu'a la mort,
le sire de Pardaillan, comme lui il aimerait Juana jusqu'a la mort
et sans espoir. Des lors, a quoi bon vivre? Sa resolution devint
irrevocable. Il se condamnait lui-meme.
Jamais Juana n'appartiendrait physiquement a Pardaillan, puisqu'il n'en
voulait pas. Elle devait bien le savoir puisqu'elle preferait la
mort. Alors, lui, il eut considere comme une bassesse de chercher a
l'attendrir.
Et le malentendu qui s'etait eleve entre eux acheva de les separer.
Le Chico se contenta d'acquiescer d'un signe de tete a ce qu'elle venait
de dire, et, tirant de son sein le blanc-seing trouve, il dit avec
une froideur sous laquelle il s'efforcait de cacher ses veritables
sentiments:
--Toi qui es savante, regarde ce parchemin, dis-moi ce que c'est et ce
qu'il vaut.
La petite Juana sentit une larme monter a ses yeux. Elle avait espere le
faire parler et voici qu'il se montrait plus froid, plus cassant qu'il
n'avait ete depuis le debut de cet entretien.
Elle se raidit pour refouler la larme prete a jaillir, elle prit
tristement le parchemin qu'il lui tendait et l'etudia en s'efforcant
d'imiter son attitude glaciale.
--Mais, fit-elle, apres un rapide examen, je ne vois rien la que deux
cachets et deux signatures, sous des formules inachevees.
--Mais les signatures, les cachets, les connais-tu, Juana?
--Le cachet et la signature du roi, le cachet et la signature de
monseigneur le grand inquisiteur.
--En es-tu bien sure?
--Sans doute! Je sais lire, je pense: "Nous, Philippe, par la grace de
Dieu, roi... mandons et ordonnons... a tous representants de l'autorite
religieuse, civile, militaire..." Et plus bas: "Inigo d'Espinosa,
cardinal-archeveque
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