atienter.
--Seigneur Dieu! dit-elle, avec une pointe d'amertume, comme tu en
parles! Que t'a-t-il donc fait que tu lui es si devoue?
--Il m'a dit des choses!... des choses que personne ne m'avait jamais
dites, repondit enigmatiquement le nain. Mais, toi-meme, Juana, n'es-tu
pas resolue a le soustraire au supplice qui l'attend?
--Oui, bien, et de tout mon coeur. Je te l'ai dit.
--Tu sais qu'il pourrait nous en cuire de mettre ainsi notre nez dans
les affaires d'Etat. Le moins qui pourrait nous arriver serait d'etre
pendus haut et court. Et je crois bien que nous ferions prealablement
connaissance avec la torture.
Il disait cela avec un calme extraordinaire. Pourquoi le lui disait-il?
Pour l'effrayer? Pour la faire reculer? Non, car il etait bien resolu a
se passer d'elle et a ne pas la compromettre. Il voulait bien risquer
sa vie et meme la torture pour son ami. Mais l'imposer a elle, la voir
mourir! Allons donc! Est-ce que c'etait possible, cela!
Tout ce qu'il voulait d'elle, c'etait d'etre renseigne sur la valeur de
sa trouvaille.
Et puis, apres tout, il lui paraissait juste et legitime qu'elle connut
la valeur exacte du sacrifice qu'il faisait. Il n'avait que vingt ans,
il avait bien quelques raisons de tenir a la vie. Et, s'il faisait
l'abandon de cette vie, il tenait a ce qu'elle n'ignorat pas qu'il
l'avait fait a bon escient.
Elle, en entendant parler de pendaison et de torture, n'avait pu tout
d'abord reprimer un long frisson.
Mais peut-etre, sans le savoir, avait-elle, comme le Chico, une ame
vaillante? Peut-etre le romanesque releve par un danger mortel avait-il
un attrait particulier pour elle?
Peut-etre aussi l'aventure perilleuse a tenter se presentait-elle a une
heure ou elle etait dans l'etat d'esprit qu'il fallait pour la lui faire
accepter? Nous pencherions plutot pour cette raison.
En realite, l'amour etait apparu a son coeur vierge sous les apparences
de deux hommes qui etaient deux antitheses vivantes: Pardaillan qui, au
moral sinon au physique, lui apparaissait comme un geant, et le Chico
qui, au physique comme au moral, etait une reduction d'homme infiniment
gracieuse.
Longtemps, elle avait hesite entre ces deux hommes, attiree par la force
de l'un presque autant que sollicitee par la faiblesse de l'autre.
Brusquement, raisonnee par l'un au profit de l'autre, elle s'etait
decidee a choisir. Et voici que, maintenant que son choix etait fait en
faveur du plus faible, elle se
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