r un mot doux, une caresse; elle qui se
montrait douce, soumise et resignee; lui qui, en apparence, se montrait
indifferent, tres calme, tres maitre de soi et qui donnait la une preuve
d'energie extraordinaire dans un si petit corps, car son coeur battait a
se rompre dans sa poitrine, et il avait des envies folles de se jeter a
ses pieds, de baiser ses mains de patricienne, fines et blanches, qui
semblaient appeler ses levres.
Aussi, a l'avertissement charitable qu'il lui donnait, bien persuadee,
d'ailleurs, qu'il etait de force a surmonter tous les obstacles, avec
un regard voile de tendresse, avec un sourire a la fois soumis et
provocant, elle repondit, sans hesiter:
--Puisque tu risques la torture, je la veux risquer avec toi.
Ayant dit ces mots, elle rougit. Dans son idee, il lui semblait qu'on ne
pouvait pas dire plus clairement:
--Je t'aime assez pour braver meme la torture, si c'est avec toi.
Malheureusement, il etait dit que le malentendu se prolongerait entre
eux et les separerait implacablement. Le Chico traduisit: "J'aime le
sire de Pardaillan assez pour risquer la torture pour lui." Il sentit
son coeur se serrer et il se raidit pour ne pas laisser voir la douleur
qui le tenaillait tandis qu'il clamait dans sa pensee:
"Elle l'aime toujours, d'un amour qui n'a rien de fraternel, quoi
qu'elle en dise. Allons, c'est dit, je tenterai l'impossible, et du
diable si je n'y laisse ma peau.
Et, tout haut, d'une voix qui tremblait un peu, avec une grande douceur
et reprenant ses propres paroles:
--Que t'a-t-il donc fait que tu lui es si devouee?
Et l'horrible malentendu s'accentua encore.
Elle eut une lueur de triomphe dans son oeil doux. Le Chico etait
jaloux, donc il l'aimait encore. Sotte qui s'etait fait tant de mauvais
sang! Alors, avec un sourire malicieux, croyant l'amener a se declarer
enfin, elle minauda:
"Il m'a dit des choses... des choses que nul ne m'avait jamais dites
avant lui."
A son tour, elle reprenait les propres paroles du Chico et elle les
disait en badinant, croyant faire une plaisanterie et exciter sa
jalousie.
Le nain comprit autre chose.
Pardaillan lui avait dit et repete:
"Je n'aime pas et je n'aimerai jamais ta Juana. Mon coeur est mort, il y
a longtemps."
Il avait encore dans l'oreille le ton douloureux sur lequel ces paroles
avaient ete dites. Il ne doutait pas qu'elles ne fussent l'expression
de la verite. Il ne redoutait rien de Pardaillan, un instinct
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