elle n'avait pas eu
par-dessus tout la coquetterie, la fierte, pourrait-on dire, de son
pied, reellement tres petit, tres joli.
Ayant vu echouer toutes ses petites ruses, elle avait eu recours au
supreme moyen qu'elle avait tout lieu de croire infaillible, et ses
jambes fines et nerveuses, moulees dans des bas de soie brodee, comme en
portaient les grandes dames, ses petits pieds a l'aise dans de mignons
et minuscules souliers de satin, s'etaient mis a s'agiter et se
tremousser, s'efforcant d'attirer a eux l'attention du recalcitrant. Et,
comme il ne paraissait pas voir, elle s'etait decidee a repousser petit
a petit le tabouret sur lequel elle posait ses pieds.
Il etait bien grand et bien lourd, en chene massif, ce diable de
tabouret. N'importe, elle avait reussi a le pousser si bien que, toute
petite dans son immense fauteuil, elle se trouva bientot les jambes
pendantes sans un point d'appui ou poser ses extremites. Elle esperait
ainsi amener le Chico a remplacer le tabouret.
En toute autre circonstance, le nain se fut empresse de profiter de
l'aubaine. Mais il avait autre chose de plus serieux en tete, et il sut
resister heroiquement a la tentation.
Et le Chico, si peu bavard d'habitude, ne tarissait pas de s'emerveiller
sur le compte du sire de Pardaillan, son grand ami, pour qui il
delaissait et paraissait dedaigner celle qui, jusqu'a ce jour, avait
seule existe pour lui.
Or, comme il s'agissait du salut de Pardaillan, Juana ne savait plus
si elle devait s'indigner du changement d'attitude du nain ou si elle
devait s'en montrer ravie. Elle ne savait plus si elle devait le
feliciter ou l'accabler de reproches et d'injures.
En effet, malgre le calme apparent avec lequel elle avait accueilli la
nouvelle de l'arrestation de Pardaillan, si le Chico avait ete moins
preoccupe, il aurait remarque sa paleur soudaine et l'eclat trop
brillant de ses yeux.
Est-ce a dire qu'elle aimait Pardaillan? Peut-etre, tout au fond de son
coeur, gardait-elle encore un sentiment tres tendre pour lui. Peut-etre!
Ce qu'il y a de certain, c'est que, apres l'entretien mysterieux qu'elle
avait eu avec le chevalier, elle avait sincerement renonce a cet amour
romanesque.
Tres sincerement encore, sous l'influence des conseils fraternels de
Pardaillan, elle s'etait tournee vers le Chico, avec l'espoir de trouver
en lui ce bonheur qu'elle savait insaisissable et impossible avec
l'autre.
Ce qui est non moins certain, c'est que, e
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