rien fait,
moi. J'ai simplement empeche de faire. Mais, enfin, je vous avoue que
les huit ou dix mois de prison que j'ai merites m'effraient, et j'aime
mieux risquer tout pour tout.
Pardaillan, en parlant de huit ou dix mois de prison qu'il redoutait,
etait sublime.
--Risquer tout pour tout, reprit Huguette, c'est donc que vous allez
mourir. Pardaillan, laissez-moi mourir avec vous, car, si vous mourez,
je n'ai plus rien a faire dans la vie!
Les sanglots l'empecherent de continuer.
--Assez, Huguette, assez! dit Pardaillan d'une voix basse et tremblante.
Vous etes celle que j'ai le plus aimee apres le pauvre ange que j'ai
perdu... Vous etes celle que choisirait mon coeur si ce coeur n'etait
mort en meme temps que Loise... Vous ne mourrez pas... et je ne mourrai
pas!... Huguette, quand je me serai tire de cette sotte affaire... nous
vieillirons ensemble en causant, les soirs d'hiver, de M. de Pardaillan,
mon pere, qui vous aimait tant...
IL regarda Huguette a la derobee. Elle ne pleurait plus, mais ses mains
jointes semblaient continuer une priere.
--O mon pere, songea Pardaillan, et son front s'empourpra d'une flamme
d'orgueil et de sacrifice, o mon pere, vous qui m'avez appris comme il
faut se battre et comme il faut mourir, vous allez voir comme on se
rend!
A ce moment, il tira son epee et la brisa sur ses genoux.
--Que faites-vous? palpita Huguette.
Il prit sa dague et la jeta au loin en eclatant de rire.
--Vous le voyez, ma chere, je cede a vos bons conseils; je vais me
laisser arreter. Pour quelques mois de prison, le jeu n'en vaudrait pas
la chandelle. Je veux vivre, Huguette!... Je veux vivre parce que vous
venez de me prouver que la vie peut etre encore belle et douce pour
moi!... Attendez-moi donc paisible et confiante... je vous garantis que
je ne moisirai pas dans leur Bastille...
Alors, Pardaillan se mit a demolir l'echafaudage qu'il avait construit
devant la porte, et il ouvrait cette porte a l'instant ou, dans la rue,
une immense clameur s'elevait:
"Guise! Guise! Vive le grand Henri!"
C'etait Guise, en effet, qui, au milieu d'une magnifique escorte,
s'arretait devant le perron de la Deviniere.
La porte s'ouvrit tout a coup, et Pardaillan parut sur le perron. Il se
tourna vers Huguette, souleva son chapeau d'un grand geste, et dit en
souriant:
--Au revoir, ma bonne hotesse... a bientot!...
Et, s'etant couvert, pale et flamboyant, il se retourna vers la rue et
descendit
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