porte? Dois-je esperer que j'ai assez
exagere cette vanite? Seigneur Dieu, si vous existez, faites seulement
que M. de Bussi-Leclerc ait bien la dose de vanite que je lui suppose;
le reste me regarde!
--Pouvais-je ne pas me rendre?... Seul, j'eusse tente quelque coup de
folie. Je crois vraiment qu'a force de folie j'eusse ete assez sage pour
me tirer de la Deviniere. Mais, voila, il y avait Huguette!...
--Pauvre Huguette! Est-ce que je ne lui devais pas cela?... Pour tant
d'amour silencieux, humble et devoue, pour seize ans de tendresse
inavouee, je pouvais bien lui donner cette minute de joie... de ne pas
mourir sous ses yeux. Car, rien ne prouve que je ne fusse pas mort. Et
puis, parmi tant de coups que j'eusse recus, il s'en fut bien egare
quelques-uns sur elle!... Allons, j'ai bien fait de me rendre!...
--L'amour d'Huguette! reprit Pardaillan en froncant les sourcils. Ma
reponse a cet amour est-elle une trahison a l'amour que je cache en
moi?... Eh quoi, Loise! Je t'aime donc toujours?... J'aime une morte!
Morte depuis seize ans, morte dans mes bras, en me jetant son dernier
regard si doux, que j'en sens encore la douceur... J'aime une morte! Il
sera donc dit que tout aura ete folie dans la vie de mon coeur!...
En parlant ainsi, Pardaillan pleurait doucement. Il continua:
--Cette vipere (il pensait a Maurevert) m'a tout de meme octroye
quelques morsures qui m'ont fait souffrir la malemort. Violetta!
Charles!... Pauvre petit duc qui avait une si belle confiance en moi!
Pris! Enchaine comme moi! Et ces plaintes qui descendent parfois jusqu'a
moi.
Et un rugissement lui echappa, a lui! Il secoua ses chaines et essaya de
faire un ou deux pas. Il murmura:
--Pour Loise assassinee, pour mon pere assassine, pour Charles qu'on
assassine, pour Violetta qu'on assassine, pour tant de souffrances
repandues sur la terre et concentrees ici, dans ce cachot, qu'est-ce que
je demande? De pouvoir, un jour, dire deux mots a l'assassin et a celle
qui, jadis, fournit l'arme. O bonne Catherine, dire que je n'avais pas
songe a toi...
"Loise... Maurevert... Medicis... Guise... viendra-t-il ou ne
viendra-t-il pas? Il ne viendra pas...
A ce moment, il dressa l'oreille. Un bruit lointain venait de le
frapper. Rapidement, le bruit se rapprocha, la porte s'ouvrit.
Pardaillan eut un profond tressaillement qui l'agita jusqu'au fond de
l'etre. Et sa pensee, dans un flot de joie terrible, rugit ce seul mot:
"Il est venu!..."
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