ieur de Pardaillan, combien
je vous admire, combien je vous estime, et combien je suis sure de vous
tuer tout a l'heure. Je veux vous tuer, monsieur, parce que ce n'est pas
au front, mais au coeur que vous m'avez touchee. Si je vous haissais, je
vous laisserais vivre. Mais il faut que vous mouriez, parce que je vous
aime.
Pardaillan fremit. Ce qui venait d'etre dit lui parut plus redoutable
mille fois que l'ordre donne en sa presence. Il se sentit perdu... Et,
pourtant, il voulut, par un calme absolu, demeurer digne de l'effrayante
adversaire et maitre de la terrasser. Voici ce qu'il repondit:
--Madame, vous m'aimez. Et moi aussi, vous m'apparaissez d'une si
splendide hideur, vous etes a mes yeux une si inconcevable force de
beaute, de deuil et de terreur que je vous aimerais, oui, je vous
aimerais, si je n'aimais...
--Vous aimez? dit Fausta, non pas avec colere, non pas avec curiosite,
ni avec amour, ni avec haine, mais seulement avec cette effroyable
froideur que nous avons signalee.
--Oui, j'aime, dit Pardaillan avec une infime douceur. Et j'aimerai
jusqu'a la derniere minute de ma vie. Il n'y a pas dans mon ame d'autre
sentiment possible que cet amour par lequel j'etais, sans lequel je ne
serai plus. Je l'aime, madame, je l'aime morte...
--Morte!
--Ce fut presque un cri qui echappa a Fausta, une sourde exclamation ou
se heurtaient de l'etonnement, de la joie et peut-etre aussi, qui sait?
du regret. Car Fausta, sincere dans son role de vierge, eut triomphe
dans son coeur d'une jalousie contre une vivante.
--Vous devez penser que je suis un miserable fou, reprit Pardaillan.
Mais cela est. J'aime la morte, depuis seize ans qu'elle est morte...
Aussi, madame, je vous le jure d'honneur, je benirais la minute ou les
assassins que vous venez d'aposter vont se ruer sur moi, si je n'avais
interet a vivre encore. Je vivrai donc, puisqu'il le faut.
Pour la seconde fois, Fausta ressentit comme une violente humiliation.
Elle venait, ainsi que le disait Pardaillan, d'aposter des assassins
prets a se ruer. Et Pardaillan affirmait avec sa belle simplicite:
"Je vivrai donc puisqu'il le faut..."
Elle fut sur le point de donner le signal. Une intense curiosite, un
ardent desir de mieux connaitre cet homme la retinrent. Elle l'examinait
avec un prodigieux etonnement. Il avait baisse la tete, comme pensif,
apres ce qu'il venait de dire. Il la releva soudain. Un fin sourire se
jouait sur ses levres.
--Madame, dit
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