eds de Pardaillan heurterent l'un de ces madriers. Ce madrier
partait de quelque autre poutre et s'elevait en diagonale jusqu'au
plancher.
Les pieds de Pardaillan, remontant et tatonnant, suivirent cette ligne
diagonale qui aboutissait presque a l'orifice du trou. Une sorte de
plainte s'echappa alors des levres de Pardaillan: c'etait le cri de joie
de l'homme qui se sait sauve!...
A la force des poignets, il remonta alors, jusqu'a ce qu'il sentit que
le madrier etait de plus en plus proche de l'orifice, de plus en plus
rapproche de lui, et, alors, cette poutre, il l'enlaca de ses deux
jambes avec la frenetique puissance de l'homme qui ne veut pas mourir,
et, quand il fut ainsi accroche, ses mains lacherent les bords du trou
auxquels elles se cramponnaient; dans le meme instant, il enlaca la
poutre de ses deux bras... et il se laissa glisser...
Moins d'une seconde plus tard, il atteignit le point ou le madrier
diagonal s'appuyait sur une poutre verticale, comme une branche s'appuie
au tronc. Il se laissa glisser encore, et, bientot, il sentit qu'il
entrait dans l'eau.
"Prenons un peu de repos, songea-t-il, puis je me mettrai a nager, et
c'est bien du diable si je n'atteins pas l'une ou l'autre des berges..."
Comme il disait ces mots, quelque chose le heurta mollement. Pardaillan
toucha la chose, l'inspecta des mains, et un frisson d'horreur le
parcourut: cette chose, c'etait un cadavre, le cadavre de l'un des
hommes tombes dans le fleuve. Presque au meme instant, d'un autre cote,
il fut heurte par un autre cadavre que les flots soulevaient. Puis, dans
la meme seconde, un autre, et encore d'autres cadavres, autour de
lui, autour de cette poutre a laquelle il se cramponnait: le flot les
bercait, les soulevait, les laissait retomber... mais ne les entrainait
pas!
Pourquoi ne les entrainait-il pas?
Tous ces cadavres l'entouraient et tournaient au gre du tourbillon d'eau
qui se formait la; on eut dit qu'ils l'appelaient, lui faisaient signe
de les suivre et cherchaient a l'entrainer. Et cela depassait les
limites de l'horreur...
L'homme est au fond du trou noir, cramponne a sa poutre, les ongles
incrustes dans les mousses visqueuses du bois, suspendu au-dessus des
eaux noires qui glissaient a travers d'autres poutres et allaient se
heurter aux fondations du palais; et, contre lui, tout autour de lui,
ces cadavres qui ne voulaient pas s'en aller, qui le touchaient, le
heurtaient, l'enlacaient de leur ronde
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