entendit le rauque soupir qui s'exhala de son sein. Puis, lentement,
elle se redressa. L'homme qui avait parle dit alors:
--Heureuse idee qu'a eue Votre Saintete de faire etablir la nasse!...
"La nasse!" gronda Pardaillan en lui-meme, avec une nouvelle epouvante.
"De cette facon, continuait l'homme, il n'y a plus de fuite possible,
comme c'est arrive pour Claude...
Il y eut quelques instants de silence. Pardaillan songeait:
"Ils vont s'en aller; alors, je remonterai; et, puisqu'ils me croient
mort, j'ai des chances de m'en tirer; mais qu'est-ce que cette nasse?...
Il y eut dans la salle des allees et venues; puis, plus lointaine, mais
distincte encore, il entendit la voix de Fausta:
--Que demain on ouvre la nasse afin que ces corps puissent s'en aller au
fil de l'eau... et qu'on referme la trappe...
Dans le meme instant, cette lueur vague qu'il voyait au-dessus de sa
tete s'eteignit brusquement, et il entendit un bruit sourd: c'etait la
trappe qui se refermait! le trou carre que l'on bouchait!...
Pardaillan recut alors le choc des desespoirs sans remede: il etait
perdu; rien ne pouvait le sauver. En effet, toute issue lui etait
bouchee par en haut. Et, quant a fuir par le fleuve, il comprenait
maintenant que c'etait impossible! Il comprenait pourquoi l'eau n'avait
pas entraine les cadavres! Il comprenait, il imaginait que l'infernale
Fausta, a la suite de l'evasion de Claude, avait fait etablir une sorte
de puits en treillis plongeant sans doute jusqu'au lit du fleuve, ou
mieux, formant, comme avait dit l'homme, une nasse d'ou on ne pouvait
sortir!...
Dans un dernier effort, il se hissa jusqu'au point ou venait
s'arc-bouter la poutre diagonale par laquelle il etait descendu et il
put s'asseoir sur la fourche que cela formait. Il etait temps! Il etait
a bout de force et de souffle... Mais la, il respira, et, presque
aussitot, dans cette ame formidable, la reaction s'opera...
A cheval sur la fourche, le dos appuye a la poutre diagonale, Pardaillan
eprouva alors une detente, un repos du corps et de l'esprit qui lui
parut un delice. Toutes ces sensations d'horreur et de terreur qu'il
avait eprouvees disparurent; il ferma les yeux: il eut un sourire, et un
grand apaisement se fit en lui...
"Dans la nasse! murmura-t-il avec un grondement indistinct! Ni plus ni
moins qu'un goujon de Seine! Mais je ne suis pas un goujon, madame!..."
Brusquement, ce murmure se tut. Il n'y eut plus rien que le souffle
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