e immense
douleur, elle leva ses deux bras. Et ces bras, soudain, envelopperent le
cou de Pardaillan... Et, quand elle le tint ainsi, tandis qu'un sanglot
terrible ralait dans sa gorge, elle attira cette tete a elle... Et,
alors, ses levres pales, violemment, se poserent sur les levres du
chevalier...
La sensation brulante de ce baiser fit tressaillir Pardaillan jusqu'au
plus profond de l'etre... mais ses levres, a lui, demeurerent muettes!
Pardaillan recut le baiser, le violent, le delirant baiser de la vierge.
Et il ne le rendit pas... Pardaillan, jusqu'a son dernier souffle,
devait aimer la morte!...
Fausta, lentement, denoua ses bras et se recula...
Lorsqu'elle fut loin, presque au bout de la salle, pres de disparaitre,
elle parla. Et sa voix parvint au chevalier comme une voix lointaine,
peut-etre une voix d'outre-tombe ou d'outre-ciel... Et voici ce qu'elle
disait:
--Pardaillan, tu vas mourir... Non parce que tu t'es dresse devant ma
puissance, non parce que tu m'as arrache Violetta, non parce que tu
m'as combattue et vaincue... Pardaillan, tu vas mourir parce que je
t'aime!...
Elle s'arreta un instant. Le chevalier, toujours immobile et raide a
la meme place, toujours appuye sur sa rapiere debout devant lui,
la regardait, l'ecoutait, et il lui semblait voir une ombre qui
s'evanouissait, il lui semblait entendre la musique d'un sanglot.
La voix d'ineffable douceur, melopee d'amour et de douleur, qui surement
etait plus belle qu'une voix humaine, puisque Fausta, dans cette minute
inouie, s'elevait vraiment au-dessus de l'humanite. La voix reprit:
--Tu es aime de celle qui n'a jamais aime: la vierge d'orgueil et de
purete s'est humiliee devant toi; parce que je ne dois pas aimer,
l'homme que j'aime doit mourir. Pardaillan, je pleure sur toi, et je
te tue. Et, toi qui aimes la morte, toi qui as compris la gloire et
l'harmonie de la fidelite, toi qui portes dans ton ame une morte, une
morte vivante, tu comprendras le sens du baiser que la vierge a depose
sur tes levres. Puisque quelqu'un est entre malgre ma defense desesperee
dans cette ame ou nul ne devait penetrer, celui que je porterai dans
l'ame sera un mort, comme celle que tu portes, toi, une morte. Adieu,
Pardaillan!
A ces mots, Fausta s'eloigna encore, ondoyante et flottante comme une
ombre, puis, tout a coup, Pardaillan ne vit plus rien: il etait seul; un
silence funebre, un silence de nuit profonde, pesait sur lui.
Mais il n'etait pas
|