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etrange troupe, et arriva a un tournant:
--Qui va la? cria une voix tout a coup.
Et, en meme temps, la meme voix se mit a hurler:
--Sentinelles, veillez! Sentinelles, aux armes!
Pardaillan s'etait rue en avant, sa dague au poing. Mais devant lui il
ne trouva rien: la sentinelle, qui avait jete l'alarme, s'etait repliee
au pas de course sur la grand-porte. Et, maintenant, c'etait dans
l'enorme forteresse un bruit de gens qui courent, qui s'interpellent.
Pardaillan eut un fremissement de tout son etre. Il se tourna vers ceux
qui le suivaient et dit simplement:
--Voulez-vous tenter avec moi d'etre libres? Il faudra peut-etre mourir!
--Libres ou morts! crierent-ils ensemble.
--Eh bien, reprit Pardaillan d'une voix qui, cette fois, resonna comme
une fanfare, eh bien, en avant donc et, puisqu'on ne peut etre libres a
moins, prenons la Bastille!
Pardaillan se mit en marche, tranquille en apparence.
Derriere lui, la troupe marchait silencieuse. Et, tout a coup, a dix pas
devant lui, dans une cour, dans la clarte des torches allumees, il vit
grouiller une masse confuse d'hommes d'armes en tete desquels marchait
un officier.
Celui-ci, d'un geste, arreta sa troupe devant l'entree du corridor.
Pardaillan marchait toujours, sans hater, ni ralentir le pas. Cet
instant de silence fut bref.
--Hola! cria l'officier, qui etes-vous?
--En avant! rugit Pardaillan.
Il se ramassa sur lui-meme, se detendit comme un ressort, et, en deux
pas, fut sur l'officier. Un geste foudroyant suivit le bond; l'officier
tomba comme une masse, tue raide.
Les gardes, en voyant tomber leur chef, eurent ce recul qu'on remarque
dans toutes les troupes habituees a l'obeissance passive. Et cette
seconde de trouble suffit aux revoltes pour sortir du corridor et se
ruer dans la cour.
--Feu! feu! vocifera un sergent.
Quarante arquebuses tonnerent, les balles crepiterent sur les murailles,
et, en meme temps que ce roulement de tonnerre, eclata une enorme
vociferation de triomphe... immediatement suivie de maledictions
furieuses...
En effet, les gardes, s'imaginant que le couloir etait plein d'ennemis
invisibles, avaient fait feu dans le boyau noir... Et ce fut la lueur
meme de l'arquebuse qui leur montra ce corridor vide, a l'instant ou ils
etaient attaques a droite, a gauche, derriere, par les hallebardes des
revoltes.
Les arquebuses dechargees, les gardes se trouvaient desarmes, car
il fallait pres de deux minutes pour
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