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--Qu'il ne soit plus question de cette monstrueuse affaire, sinon pour
nous defendre. Maurevert, Maineville, Bussi, tous les trois vous etes
unis a moi desormais par quelque chose de plus fort que l'amitie, le
devouement et l'ambition...
--Par quoi donc, monseigneur? haleta Maurevert revenu a lui.
--Par la peur! reprit le duc de Guise. Nous sommes tous les quatre
hantes par cette pensee que le Pardaillan doit nous tuer tous...
Ils frissonnerent. Car telle etait bien leur pensee!...
XLIX
L'AUBERGE DU PRESSOIR-DE-FER
Que faisait pendant ce temps celui qui etait cause de ces terreurs?
Pardaillan, nous gemissons de l'avouer, Pardaillan mangeait un pate
d'anguilles a l'auberge du Pressoir-de-Fer. Occupation, certes, qui
n'avait rien d'heroique.
Nous avons vu que Pardaillan et Charles d'Angouleme, en sortant de la
Bastille, avaient enfile la rue Saint-Antoine. Elle etait pleine de
groupes effares qui criaient "Aux armes" et couraient aux remparts.
Grace a cette foule, ils passerent inapercus dans les groupes. Au bout
de cinq cents pas, Pardaillan s'arreta soudain et s'accota a un mur.
--Qu'avez-vous? dit Charles. C'est l'emotion, n'est-ce pas, cher ami?...
ou plutot... la perte de sang!...
--Non, fit Pardaillan, j'ai faim, voila tout!
--Nous ne sommes pas loin de la rue des Barres, dit Charles mais j'ai
tout lieu de supposer qu'apres ce qui m'est arrive, mon hotel est pour
nous deux la retraite la moins sure de tout Paris.
--Au fait, dit Pardaillan qui, a ces mots, fit un effort pour surmonter
sa faiblesse, que diable vous est-il arrive? Comment se fait-il que,
vous ayant laisse galopant le long de la Seine et ayant entraine a mes
trousses toute la bande enragee, je yous aie trouve dument embastille?
--Entrons dans ce cabaret, fit Charles, et je vous raconterai mon
malheur tout en nous restaurant de notre mieux; car, ajouta-t-il, moi
aussi, j'ai faim.
--Un instant, mon duc! Avez-vous de l'argent? moi, je n'ai pas le
moindre ducaton, le plus maigre liard.
Charles se fouilla vainement.
--Les scelerats m'ont depouille, quand ils m'ont descendu dans le
cachot, dit-il.
--En ce cas, dit froidement Pardaillan, il nous faut aller a votre
hotel, quoi qu'il en puisse advenir.
Ils se dirigerent donc vers la rue des Barres, que Pardaillan, d'un coup
d'oeil prompt et sur, examina soigneusement avant que d'y penetrer. La
rue etait parfaitement deserte et formait un recoin paisible dans la
gra
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