clata de rire, puis delia les pieds du geolier qui,
aussitot, se mit debout. Puis, il le debaillonna. Mais, en meme temps,
il lui appuyait la pointe de sa dague sur la gorge, geste qui equivalait
au plus eloquent des discours.
--Te rends-tu? demanda Pardaillan.
--A condition que vous me fassiez sortir de la Bastille, dit Comtois.
--Non seulement tu sortiras avec ces quatre braves, mais vous recevrez
chacun une annee complete de votre solde.
--En ce cas, je suis votre homme! dit Comtois.
--Partons, cher ami, dit alors le duc d'Angouleme.
--Un instant! fit Pardaillan qui le regarda d'un air etrange. J'ai
toujours reve de visiter la Bastille une bonne fois. Et l'occasion est
trop belle et trop bonne pour que je la laisse echapper. Visitons la
Bastille!
XLVIII
OU PARDAILLAN VISITE LA BASTILLE
Le jeune duc fixa sur celui qu'il appelait son frere un regard de
terreur. Pour Charles, en effet, il n'y avait plus qu'une chose a faire:
s'en aller! Il ne songeait pas aux grilles, aux sentinelles, aux postes,
aux portes, aux infranchissables obstacles:
--Mon ami... mon frere!... balbutia le jeune homme avec une inexprimable
angoisse.
Pardaillan sourit... Il se tourna donc vers Comtois, lui delia les mains
et lui dit tranquillement:
--Marche devant, et ouvre-moi les portes!
--Je n'ai pas mon trousseau, dit Comtois avec un secret espoir.
--Le voici! fit Pardaillan, goguenard.
Et il tendit le trousseau au geolier ebahi.
--Vous autres, reprit le chevalier en s'adressant aux quatre soldats,
marchez pres de lui; et, s'il fait un geste de trop, assommez-le.
Tactique admirable. Pardaillan, en donnant une mission de confiance a
ces hommes, en paraissant s'en remettre a eux du soin de sa securite, en
donnant enfin une occupation a leurs esprits, faisait d'eux ses aides.
--Que voulez-vous voir? demanda le geolier.
--Les prisonniers! dit Pardaillan. Combien y a-t-il de prisonniers dans
les cachots?
--Vingt-six... dont huit dans la tour du Nord, qui est mon service
special.
--Voyons donc les huit de la tour du Nord!...
Comtois jeta autour de lui un dernier regard, comme s'il eut espere la
soudaine arrivee d'une ronde, puis, voyant toute resistance inutile, il
ouvrit une porte pres de celle par ou l'on descendait aux sous-sols. Et,
tous ensemble, ils commencerent a monter. Au premier etage, dans une
chambre spacieuse et assez bien aeree, se trouvaient trois jeunes gens
qui dormaient de tout l
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