ne, debout tout entiere, vous acclame. La tempete se propage et
gagne la Picardie, l'Artois; la Normandie suivra. Henri, Henri! nous
avons allume un terrible incendie. Et, quand il va consumer cette race
pourrie, quand il va purifier le royaume, exterminer l'heresie, detruire
Valois, quand le peuple de France vous appelle et vous reclame, vous
nous demandez d'eteindre l'incendie, vous nous demandez de refouler
l'espoir de ce peuple... Tenez, vous me faites pitie... Je m'en vais!
Et il fit quelques pas vers la porte.
--Demeurez, Louis! dit alors la duchesse de Nemours.
Le cardinal s'arreta net. Car, dans ces ages, l'autorite de la mere de
famille etait encore incontestee.
--Demeurez, mon frere, ajouta le Balafre. Quelle que soit la decision
qui sortira d'ici, il faut qu'elle soit prise en commun. Avec vous, je
suis tout. Sans vous, je suis bien peu.
Le cardinal, flatte d'avoir humilie l'intraitable orgueil de son frere,
reprit sa place en disant:
--D'ailleurs, mon cher Henri, je vais vous apprendre une chose qui va
sans doute modifier vos idees: Valois est loin d'etre aussi malade que
le pretend sa mere. Il n'a nulle envie de mourir. Que diriez-vous donc
si, au lieu d'une annee, il vous fallait attendre cinq ans, dix ans
meme?
--L'annee ecoulee, fit vivement le Balafre, je redeviens libre, je ne
suis plus enchaine par mon serment...
La mere des Guise darda alors son clair regard sur son fils aine. Et,
d'une voix sourde, ou se devinait une haine inveteree que les ans
n'avaient pu emousser, la mere des Guise parla:
--Henri, dit-elle, voici le portrait de votre pere et, vous pouvez m'en
croire, c'est son esprit meme qui m'anime. Ce portrait, s'il pouvait
parler, vous dirait:
--Moi, fils, j'ai ete lachement assassine par un de ces miserables
huguenots qui insultent l'Eglise et qui ont frappe en moi le ferme
serviteur de Dieu. Au nom de l'Eglise bafouee, au nom de mon sang qu'ils
ont verse, vengeance, mon fils!...
--Nous avons fait la Saint-Barthelemy, dit Henri d'une voix sombre, et
nous en avons tue vingt mille.
La mere des Guise eut un geste large.
--Il faut, dit-elle, l'extermination complete de la secte. Et, pour
accomplir cette grande oeuvre, il faut a ce royaume un roi tel que
vous, mon fils! Or, savez-vous ce qui se passe a l'heure meme ou nous
discutons, tandis que d'autres agissent?... Oui, le pape a maudit les
parpaillots! Oui, Sixte a excommunie les Bourbons et les a declares
inaptes
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