abstractions de cette nature. Cependant beaucoup d'entre eux se
defendent du nominalisme et donnent tort a Abelard dans sa grande
controverse; ils ne lui accordent d'avoir eu raison que contre les abus
du realisme. Si nous pressons bien leur pensee, nous avouerons qu'elle
nous echappe, et nous osons soupconner que celle d'Abelard aurait bien
pu leur echapper en partie.
Certes, M. Cousin ne confond point Abelard avec Roscelin; il veut bien
accorder que le grossier paradoxe contre l'existence des parties etait
trop au-dessous de ce grand esprit. Il reconnait que le nihilisme a peu
pres avoue des nominalistes absolus etait etranger a sa pensee, mais
il laisse entendre qu'en derniere analyse ce nihilisme aurait bien pu
devenir, a l'insu d'Abelard, le produit net de sa theorie, et il ne voit
dans le conceptualisme qu'un nominalisme tempere, sinon deguise.
Voici toutefois son principal argument: "Le principe de l'ecole realiste
est la distinction en chaque chose d'un element general et d'un element
particulier. Ici les deux extremites egalement fausses sont ces deux
hypotheses: ou la distinction de l'element general et de l'element
particulier portee jusqu'a leur separation, ou leur non-separation
portee jusqu'a l'abolition de leur difference, et la verite est que ces
deux elements sont a la fois distincts et inseparablement unis. Toute
realite est double.... Le moi... est essentiellement distinct de chacun
de ses actes, meme de chacune de ses facultes, quoiqu'il n'en soit pas
separe. Le genre humain soutient le meme rapport avec les individus qui
le composent; ils ne le constituent pas, c'est lui, au contraire, qui
les constitue. L'humanite est essentiellement tout entiere et en meme
temps dans chacun de nous.... L'humanite n'existe que dans les individus
et par les individus, mais en retour les individus n'existent, ne se
ressemblent et ne forment un genre que par le lien de l'humanite, que
par l'unite de l'humanite qui est en chacun d'eux. Voici donc la reponse
que nous ferions au probleme de Porphyre: [Grec: poteron chorista
(gene) e en tois aisthetois.] Distincts, oui; separes, non; separables,
peut-etre; mais alors nous sortons des limites de ce monde et de la
realite actuelle[122]."
[Note 122: Ouvr. ined., introd., p. cxxxvi.]
Ou notre meprise est grande, ou cette objection se reduit a ceci: les
differences qui separent les hommes des autres animaux sont reelles, ou,
ce qui revient au meme, les ressemblances qu
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