on
populaire[270]. Il lisait son arret ecrit sur le front de ses juges.
Qu'il se tournat vers le pouvoir ou spirituel on temporel, point
d'esperance. On ne lui offrait pas une controverse en regle, engagee
entre docteurs egaux; on lui signifiait une accusation, on le sommait
d'un desaveu, d'une retractation, ou peut-etre d'une defense; mais tout
debat eut ete oiseux, toute eloquence impuissante. En essayant de se
justifier, il n'aurait fait qu'accepter et aggraver sa defaite. D'un
autre cote, il esperait en l'appui de la cour de Rome, et savait
que c'etait la le plus grand souci de ses adversaires. Le trouble,
l'orgueil, la crainte et la vengeance se reunirent pour lui suggerer
ensemble la pensee d'echapper ainsi a un peril certain, d'embarrasser
ses ennemis, d'annuler d'avance l'effet de leur jugement. Comme saint
Paul sans espoir devant les magistrats de Jerusalem, il se crut le droit
d'en appeler a Cesar et de citer a leur tour ses juges inquiets devant
le tribunal de Rome.
[Note 267: _Id. ibid._, p. 372.--_Hist. de saint Bernard_, par M.
l'abbe Ratisbonne, t. II, c. XXIX, p. 38.--Le P. Longueval, _Hist. de
l'Egl. gall._, t. IX, l. XXV, p. 28.]
[Note 268: C'est pourtant l'opinion de D. Martene dans les _Annales
de l'ordre de Saint-Benoit_, t. VI, p. 324.]
[Note 269: Crevier, _Hist. de l'Univ_., t. I, l. I, Sec. 2, p. 186.]
[Note 270: Ott. Frising. _De Gest. Frid._, l. I, c. XLVII.]
On peut admettre qu'Abelard, appreciant sa position, s'etait dit,
avant d'entrer au concile, que suivant l'aspect de la seance et son
inspiration du moment, il parlerait ou refuserait de repondre. Mais nul
ne s'attendait a ce dernier parti, et cet incident si imprevu causa
d'abord beaucoup d'emotion. Le concile embarrasse hesita sur ce qu'il
devait faire. Sa competence paraissait douteuse: car le titulaire
d'une abbaye de Bretagne pouvait, comme tel, n'etre justiciable que de
l'archeveque de Tours. A la verite, il avait lui-meme choisi ses juges
et reconnu par la leur juridiction, et en qualite de fondateur ou de
chapelain du Paraclet, il pouvait etre regarde comme pretre du diocese
de Troyes[271]. Mais il avait pris le concile moins pour juge que pour
temoin de sa controverse avec saint Bernard; jamais il n'avait
accepte le role d'accuse. Et s'il etait accuse, comment le juger sans
l'entendre, sans savoir meme s'il reconnaissait pour siennes les
opinions denoncees? D'ailleurs, l'appel au pape n'etait-il pas
suspensif, et ne ris
|