dans la province de Tours ou etait situee l'abbaye de
Saint-Gildas. Mais ce n'est point comme abbe de Saint-Gildas, c'est pour
des opinions publiees dans la province de Sens et de Reims qu'Abelard
etait poursuivi. Seulement il peut paraitre singulier que dans un
concile compose de prelats de ces deux provinces, un si grand role ait
ete donne a un homme qui n'etait ni de l'une ni de l'autre; car l'abbe
de Clairvaux etait du diocese de Langres, province Lyonnaise premiere.
(_Ab. Op._, praef. apol.)]
[Note 266: On n'est point parfaitement d'accord sur les details de
cet evenement; je suis le recit adresse par saint Bernard au pape. Celui
des eveques y est a peu pres conforme; seulement ils ajoutent que cette
lecture avait pour but de mettre Abelard en mesure de s'expliquer et
de se defendre. Mais il se pouvait qu'on n'eut que l'intention de lui
demander s'il avouait ou desavouait les articles; car c'etait l'opinion
et le conseil de saint Bernard: "Dicebam sufficere scripta ejus ad
accusandum eum." (S. Bern., _Op._, ep. CLXXXIX, _ad pap. Innoc._--Ep.
CXCI, _Remens. arch. ad eumd._--Ep. CCCXXXVII, _Senon. arch. ad
eumd._.--Gaufrid. _Ex lit. S. Bern._, l. III, _Rec. des Hist._, t. XIV,
p. 371.)]
Qu'avait-il eprouve, qu'avait-il voulu? Etait-ce une fuite? Etait-ce une
inspiration soudaine, un projet reflechi, une tactique, une faiblesse?
On ne le sait pas. Il fut miraculeusement frappe, disent les legendaires
de saint Bernard, et Dieu rendit muet sur la place celui dont la parole
avait ete soixante ans puissante et funeste. Suivant d'autres narrateurs
moins credules, il fut trouble devant cette assemblee si auguste, devant
cet adversaire si saint et si grand, et l'erreur perdit memoire et
courage en presence de la verite personnifiee[267]. Certes, on ne croira
pas qu'Abelard fut venu jusqu'au milieu du concile qu'il avait en
quelque sorte convoque lui-meme, avec le dessein de se taire au
jour marque pour la parole, et d'eviter solennellement un combat
solennellement demande. Le desir de suspendre toute querelle en
ajournant et en deplacant le jugement ne saurait avoir des l'origine
determine sa conduite[268]. Mais nous savons qu'il etait imprudent et
affaibli, temeraire pour entreprendre et facile a emouvoir. "Il n'avait
nulle audace pour l'action," dit un historien, "quoiqu'il en eut
beaucoup dans l'esprit[269]." Du moment qu'il mit le pied dans la ville
de Sens, il ne vit que des yeux ennemis; on le menacait d'une sediti
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