ins votre equite, si je vous priais
longtemps, dans la cause du Christ, de ne mettre personne avant le
Christ. Sachez-le seulement, parce qu'il vous est utile de le savoir,
vous a qui Dieu a donne la puissance: il importe a l'Eglise, il importe
a cet homme lui-meme, qu'il lui soit impose silence."
[Note 299: Ep. CCCXXXIII, ad G. cardinalem.]
[Note 300: Haimeric, Bourguignon, de la ville de Chatillon, et
qu'on dit de la famille de Castries, cardinal-diacre du titre de
Sainte-Marie-Nouvelle. (S. Bern., ep. XV et CCCXXXVIII.)]
[Note 301: "Nihil videt per speculum et in aenigmate, sed facie ad
faciem omnia intuetur." (Ep. CXCII, ad magistrum Guidonem de Castello.)]
Mais quand il parle au cardinal-pretre Ives, son ami, qui ayant ete
chanoine regulier de Saint-Victor de Paris pouvait comprendre et
partager ses sentiments, il epanche toutes ses coleres contre Abelard;
la encore, c'est un moine sans regle, un superieur sans soin, qui
ne sait ni imposer l'ordre ni s'y soumettre, un homme different de
lui-meme, Herode au dedans, Jean-Baptiste au dehors, qui veut souiller
la chastete de l'Eglise, fabricateur de mensonges, fauteur de dogmes
pervers, plus heretique enfin par son opiniatrete que par ses
erreurs[302].
[Note 302: Ep. CXCIII, ad magistrum Ivonem cardinalem.]
Mais en multipliant ces lettres habilement calculees pour interesser a
sa cause tout ce que Rome avait de plus considerable, saint Bernard
ne voulait point se montrer etranger a la question de doctrine.
Independamment de la relation qu'il ecrit pour le pape, il lui adresse
une epitre, ou plutot un traite ou il examine et discute quelques-unes
des opinions d'Abelard[303]. Cette composition a ete justement placee
parmi les meilleures de son auteur. Quoiqu'il n'y considere pas dans
leur ensemble, ni d'un point de vue fort eleve, les doctrines de son
adversaire, il prend sur lui a divers moments une superiorite veritable;
et degagee des violences d'un langage injurieux qui altere et deshonore
la verite meme, sa pensee est souvent juste et quelquefois profonde.
Dans la discussion sur la Trinite, on peut l'accuser de n'avoir pas
equitablement pris l'opinion qu'il refute. S'il ne la defigure pas,
du moins il l'exagere; et en isolant les expressions, il les rend
exclusives et plus suspectes qu'elles ne doivent l'etre pour un esprit
de bonne foi. Mais dans l'examen de la nouvelle theorie de la Redemption
il parait avoir raison contre son rival; et l'esprit modern
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