stique, et le celebre archeveque de Tours,
Hildebert, comme plus tard saint Bernard lui-meme dans son traite de _la
Consideration_, avait en vain reclame contre cette competence directe
et illimitee qui transformait la cour de Rome en tribunal unique de la
chretiente[291]. Il est vrai qu'on alleguait contre l'appel interjete
par Abelard que lui-meme avait choisi ses juges, et qu'un concile
provincial demeure en tout etat de cause juge de la doctrine d'un
theologien de son ressort. Mais ces raisons pouvaient n'etre pas goutees
a Rome, et les eveques ne doutaient pas qu'Abelard et ses amis n'y
missent tout en oeuvre pour faire condamner le clerge de France au
tribunal de saint Pierre. La moderation a toujours ete le caractere
et de la politique et de la religion de Rome, sauf dans quelques
circonstances extremes ou l'autorite apostolique s'est vue directement
en peril. Sa conduite est connue; ardente, quand les eglises nationales
sont tiedes, elle se montre sage et clemente quand celles-ci paraissent
passionnees; elle s'etudie a garder les formes d'une paternelle
protection. On a deja vu qu'au sein du sacre college Abelard comptait
des appuis et meme des disciples. A leur tete etait le cardinal Gui de
Castello[292], distingue par l'elevation de son esprit, sa douceur, sa
justice, et dont le credit etait grand; car c'est lui qui, quatre ans
apres, fut pape sous le nom de Celestin II, trop tard pour le repos
d'Abelard, trop peu de temps peut-etre pour l'Eglise et pour l'humanite.
[Note 290: _Gall. Christ._, t. IX, p. 86, et t. XII, p. 46.]
[Note 291: Cf. Gervaise, _Vie d'Ab._, t. II, l. V, p. 229.--_Rec.
des Hist. des Gaules_, t. XIV; i praefat., p. XVI.--S. Bern. _De
Considerat._ l. I, c. III.--Neander, _S. Bern. et son siecle_, l.
II.--Bergier, _Dict. de Theol._, art. _Papaute_; Not. XVI.]
[Note 292: Guido de Castello dans les lettres de saint Bernard; Guy
de Castellis, du Chatel, de Castel ou de Chateau, dans les historiens
francais; son nom vient de la ville de Citta di Castello dans la
legation de Perouse. Nomme par Honorius II, cardinal-diacre au titre
de Sainte-Marie, _in via lata_, et par Innocent II, cardinal-pretre
au titre de Saint-Marc, il s'eleva au souverain pontificat en 1143 et
mourut au bout de six mois. Les manuscrits des lettres de saint Bernard
portent qu'il etait disciple d'Abelard, et Duboulai le designe ainsi:
"Magister Guido de Castellis P. Abaelardi quondam discipulus,
ejusque defensor acerrimu
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