es questions d'heresie me paraissent
discutees avec soin et moderation par le pere Alexandre Noel qui conclut
ainsi: "Non est censendus haereticus; nusquam errores suos pertinaciter
propugnavit." (Natal. Alex. _Hist. Eccl._, t. VI, Dissert. VII, p.
787-803.) Toutes ces opinions, et je n'ai cite que des autorites qui
ne prennent point parti pour Abelard, contiennent ainsi une censure
indirecte de la decision du concile.]
[Note 289: "Quia homo ille multitudinem trahit post se et populum
qui sibi credat habet, necesse est ut huic contagio celeri remedio
occurratis." (_Lett. des eveq. au pape._ S. Bern., ep. CLXXXI.)]
La politique religieuse, en effet, n'agit pas seule. Il faut, dans ce
jugement, faire une grande part a la vieille haine qui avait poursuivi
Abelard des le debut de sa carriere et que ses premiers ennemis, en
disparaissant de la scene, avaient transmise a leurs successeurs.
La jalousie qui s'acharna contre lui est historiquement etablie. La
moderation meme des peines prononcees prouve bien qu'on ne pensait pas
de lui tout le mal qu'on en disait; car des cette epoque, le sacrilege
et le blaspheme encouraient de plus rudes chatiments. On ne voulait
evidemment que deux choses, son impuissance et son humiliation. Il faut
remarquer, au reste, que le temps n'etait pas venu encore ou l'on vit
l'Eglise deployer systematiquement la derniere rigueur contre l'erreur
purement speculative, et commander ou permettre les crimes qui ont plus
tard souille sa cause. Le XIIe siecle etait un temps de liberte de
penser relative, quand on le compare aux temps qui l'ont suivi.
Cependant, ni saint Bernard ni les peres du concile n'etaient
tranquilles sur les suites de leur decision. Que devait en penser Rome?
cette question les inquietait. D'abord il ne parait pas que plusieurs
des peres jouissent de ce cote-la d'une grande faveur, car, des deux
archeveques de Sens et de Reims, l'un avait encouru deja une fois la
disgrace du saint-siege; l'autre etait destine a se voir plus tard prive
du pallium, par jugement du pape Eugene III[290]. Puis, bien qu'on eut
admis que l'appel a la cour de Rome couvrait la personne d'Abelard, on
n'etait pas sur d'etre approuve par le souverain pontife pour avoir
passe outre au jugement des doctrines. L'abus de ces sortes d'appels,
fortement denonce par le clerge gallican, etait constamment accueilli ou
encourage par le saint-siege. Gregoire VII avait attire a lui presque
toute la juridiction ecclesia
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