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de fidelite des eveques et des abbes, en un mot tout l'exercice de
l'autorite royale.
Quoique Alphonse, comte de Poitiers, frere du roi, eut pris la croix
avec les autres princes et seigneurs, il jugea a propos qu'il differat
d'un an son voyage, pour aider la reine-mere de ses conseils et de son
autorite dans les commencemens de sa regence. La jeune reine Marguerite,
oubliant la delicatesse de son sexe, voulut absolument suivre le roi son
mari. La comtesse d'Anjou imita son exemple. La comtesse d'Artois prit
la meme resolution; mais, etant enceinte, et se trouvant trop proche de
son terme, on ne voulut pas lui permettre de s'embarquer en cet etat.
Elle retourna a Paris, et ne fit son voyage que l'annee suivante, avec
le comte de Poitiers.
Le roi continua sa route, par la Bourgogne, jusqu'a Cluny, ou il
eut encore diverses conferences avec le pape, principalement sur
l'accommodement de Frederic avec le Saint-Siege; mais elles furent aussi
inutiles que les precedentes, nonobstant la mort de Henri, landgrave de
Hesse, qui fut une facheuse circonstance pour le pape. Il fit elire a
sa place roi des Romains, Guillaume, comte de Hollande, qu'il opposa
de nouveau a Frederic. Il donna sa parole au roi d'employer toute son
autorite pontificale pour empecher que personne, et en particulier le
roi d'Angleterre, ne fit aucune entreprise contre la France.
Le roi ayant recu la benediction du pape, continua son voyage. Il fit
forcer en chemin faisant la Roche-de-Gluy, qui etait un chateau dont le
seigneur, nomme Roger de Clorege[1], faisait de grandes vexations aux
passagers et aux pelerins de la Terre-Sainte, volait et pillait tous
les marchands qui passaient sur ses terres. Le roi en fit une severe
justice: une partie du chateau fut rasee, et le tyran force de restituer
ce qu'il avait pris.
[Note 1: Guillaume de Nangis, p. 246.]
_Le roi part pour la Terre-Sainte_.
Le roi etant arrive a Aiguemortes, ou tout etait pret, il s'embarqua le
vingt-cinq d'aout, et apres avoir attendu deux jours a l'ancre un
vent favorable, il fit voile avec une tres-belle armee et une flotte
parfaitement bien equipee.
Le trajet fut de trois semaines, et le roi arriva heureusement en Chypre
vers le vingt de septembre, au port de Limesson, sur la cote orientale
de l'ile, ou Henri de Lusignan, roi de Chypre, le recut a la tete de
la noblesse de son royaume. Ce prince avait aussi pris la croix, et il
avait promis au roi de le suivre dans son
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