tile. Le pape fut inflexible; il ne voulut rien ecouter,
et le roi sortit de cette conference avec quelque indignation.
On ne saurait trop admirer, dans ces occurrences, la sagesse du roi. Il
etait assez puissant pour faire pencher la balance en faveur de celui
dont il voudrait prendre le parti; mais il voulut la laisser dans
l'equilibre, par la crainte qu'il eut que la justice ne fut pas du cote
de celui qu'il soutiendrait. Il ne faut pas douter que ses lumieres
et sa prudence ne lui eussent fait connaitre que le pape et Frederic
avaient tort chacun de leur part, et qu'ils poussaient leurs pretentions
au-dela des veritables bornes de la justice. C'est pourquoi il attendit
avec resignation ce que la Providence en devait ordonner.
Apres trois annees de preparatifs, tous les vaisseaux destines pour le
voyage de la Terre-Sainte etant assembles a Aiguemortes, ou les
croises se rendaient de toutes parts, le roi, qui etait alors age de
trente-trois ans, se mit en etat de partir. Il manda a Paris ses barons,
leur fit faire hommage et serment de fidelite, et obligea ceux qui
demeuraient en France de jurer qu'ils ne feraient rien contre son
service, pendant son voyage, et garderaient fidelite et loyaute aux deux
princes ses enfans, Louis et Philippe, qu'il laissait en France.
Il se rendit ensuite a Saint-Denis pour y prendre, selon la coutume,
l'oriflamme, qui etait l'etendard royal, le bourdon, et les autres
marques de pelerin de la Terre-Sainte. Il les recut par les mains
d'Odon, cardinal-legat, qui devait l'accompagner pendant tout le voyage,
et se mit en marche au mois de juin, le vendredi d'apres la Pentecote de
l'annee 1248. De la, conduit par le clerge, la cour et la ville, il
alla monter a cheval a l'abbaye de Saint-Antoine, et prit le chemin de
Corbeil, ou les deux reines devaient se rendre le lendemain.
Etant arrive a Corbeil, il y declara regente la reine sa mere. La
sagesse de cette princesse, ses lumieres, sa prudence, une experience de
vingt-deux annees dans le gouvernement, tout contribuait a persuader au
roi qu'il ne pouvait mettre l'etat en de meilleures mains. Il lui fit
expedier des lettres-patentes par lesquelles il lui donnait le pouvoir
de se former un conseil, d'y admettre ou d'en exclure ceux qu'elle
jugerait a propos, d'etablir et de revoquer les baillis, les chatelains,
les forestiers par tout le royaume, de conferer les charges et les
benefices vacans, de recevoir, en vertu de la regale, les serm
|