'est
pas assez grande, et, toi, il faut que tu fasses ton education.
Tu le sais, mon cher enfant, c'est indispensable et tu es bien decide
a t'y livrer de tout ton coeur: J'ai ete bien heureuse, quand M.
Gaillard[1] m'a dit que tu etais un brave garcon, que tu faisais ton
possible pour contenter tes maitres, et qu'il avait bonne opinion de
toi. C'est ainsi, j'espere, qu'on me parlera toujours de toi. Tu ne
m'as jamais cause de chagrin sous ce rapport et tu feras le bonheur de
ma vie, si tu le veux.
J'ai ete ce matin me promener au bord de la mer. J'ai mange des
coquillages tout vivants et dont les coquilles etaient tres jolies.
J'ai pense a toi qui les aimes tant, et je n'ai pas voulu en chercher
dans le sable, parce que tu n'etais pas la pour m'aider et que je ne
me serais pas amusee. Quand tu seras en age de quitter le college et
d'interrompre tes etudes, nous voyagerons ensemble. Tu te souviens que
nous avons deja voyage tous deux et que nous nous amusions comme deux
bons camarades. Nous n'avons peur de rien, ni l'un ni l'autre; nous
mangeons comme deux vrais loups, et tu dors sur mes genoux comme une
grosse marmotte.
En attendant que nous recommencions, depeche-toi d'apprendre ce qu'il
faut que tout le monde sache. Amuse-toi bien. Quand tu sortiras, sois
aimable avec ma mere et avec madame Dudevant. Remercie bien Boucoiran,
si bon et si obligeant pour toi, et ecris-moi a toutes tes sorties.
Raconte-moi ce que tu auras fait, chez qui tu couches, etc. Dis-moi
aussi si tu as de bonnes notes et des _heures_. Pense a moi souvent et
travaille, joue, saute, porte-toi bien, decrasse ta frimousse, lave
tes pattes, ne sois pas trop gourmand et aime bien ta vieille mere,
qui t'embrasse cent mille fois.
[1] Proviseur du college Henri IV
CX
A M. JULES BOUCOIRAN, A PARIS
Marseille, 20 decembre 1833
Mon cher enfant,
Je suis arrivee ici sans trop de fatigue et j'en repars apres-demain.
Je vais a Pise ou a Naples, je ne sais lequel. Ecrivez-moi a Livourne,
poste restante. Donnez-moi des nouvelles de mon gamin. Soyez bon pour
lui, comme vous l'etes toujours, et protegez-le contre les petits
ennuis dont je vous ai parle.
Avez-vous reussi a diner le jour de mon depart? Je vous ai fait faire
une journee de corvee. Sans vous, je ne serais pas venue a bout de
partir. Avez-vous eu la bonte de ranger tout chez moi, de mettre
dehors mes chambrieres, de fermer portes et fenetres,
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