vais bien que vous trouveriez les votres beaux et
bons. Les miens, je vous le disais, et je vous le dis encore, me
donnent les seules joies reelles de ma vie. Vous ne me dites pas
comment s'appelle ce bienvenu. C'est une chose interessante qu'un nom
de bapteme, a laquelle j'attache autant d'idees que le pere de
Tristram Shandy. Il ne se nomme, j'espere ni Artaxerces, ni
Epaminondas, ni Polypheme, ni Polyperchon?
Le mien est au college et se comporte de maniere a meriter dans son
regiment _l'estime de ses_ CHEFRES _et l'amitie de ses camarades_. Ma
fille est de la taille du plus jeune elephant de la menagerie royale.
Elle a horreur des gens de lettres, elle les traite de polissons et de
matins. En tout, elle annonce les plus brillantes dispositions. Moi,
j'ai ete longtemps et beaucoup malade. Je vais tres bien depuis que
j'ai consulte un habile medecin, lequel m'a dit _de me distraire et
d'eviter les contrarietes_; ce qui m'a paru tres profond, tres neuf,
et tres aise a faire surtout.
Je fais toujours des livres et suis assez bien dans mes affaires
maintenant. J'irai au pays avec mon fils a l'epoque des vacances. Vous
me presenterez l'heritier presomptif et je vous embrasserai tous de
bien bon coeur. Adieu, mon ami.
Tout a vous.
AURORE.
CVII
A M. FRANCOIS ROLLINAT, A CHATEAUROUX
21 novembre 1833.
La presente est pour te dire, mon brave ami, que je vais bientot te
voir. Mademoiselle Decerf epouse mon Gaulois, qui est Alphonse Fleury,
et j'irai a leur noce.
Je te verrai en passant et en repassant. Tu trouveras peut-etre
quelque jour dans la quinzaine pour t'echapper et venir faire du
Werther avec moi: parler de rasoirs anglais de damnation eternelle et
autres faceties, sous la grande voute etoilee qu'on voit si bien chez
nous. Ne crains pas de me voir rire de tes ennuis et de tes chagrins:
je ne suis pas dangereuse en ce genre; le lendemain du jour ou je
t'aurais persifle, tu aurais ta revanche. Mes jours ne ressemblent
guere les uns aux autres, et c'est pour moi que fut invente le
proverbe: "Tel qui rit vendredi, etc."
Pour le moment, je suis dans les memes sentiments qu'a ma derniere
lettre. Je serai heureuse de revoir mon pays et mes amis. Ce sont de
vieux liens qu'on ne rompt pas. Si mon retour peut adoucir un peu ton
spleen, accueille-le donc avec toute ta bonne affection pour moi.
Charles[1] m'a ecrit une lettre fort reveche. Il a eu tort. Je le lui
par
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