seudonyme; dire a Mme
de Luxembourg qu'il n'a jamais denonce Rousseau; a l'Academie francaise
qu'il a passe sa vie a chanter la religion chretienne, et a l'univers
entier qu'il n'a jamais ecrit le _Dictionnaire philosophique_;
conseiller le mensonge aux autres comme une chose qui va de soi, et
ecrire a Duclos: "Diderot n'a qu'a repondre qu'il n'a pas ecrit les
_Lettres philosophiques_ et qu'il est bon catholique; il est si facile
d'etre catholique!"; ce sont la des jeux pour Voltaire.--Ce ne lui sont
pas meme des jeux. C'est sans effort. Voltaire ment comme l'eau coule.
Il est menteur a ce point que la notion du mensonge lui est etrangere.
Il est tout a fait stupefait qu'on lui reproche ses pasquinades et ses
tartuferies, comme, par exemple, d'offrir le pain benit et de communier
solennellement dans son eglise. Puisque c'est utile; puisqu'il y aurait
danger a ne pas le faire; puisqu'on le chasserait (car il a toujours
peur) lui, pauvre vieillard ruine et sans asile dans toute l'Europe! Ce
n'est qu'un acte de haute philosophie pratique.
Et il s'admire dans sa sagesse, dans cette vie si bien conduite,
troublee quelquefois par le noble souci de plaire au "Trajan" de
Versailles ou au "Salomon" de Potsdam, et le desagrement de n'y pas
reussir; mais habile en somme et avisee et qui finit bien, et qui finit
tard.
Il a ete doux envers la mort des autres; il a ecrit le 27 janvier 1733:
"J'ai perdu Mme de Fontaine-Martel: c'est-a-dire que j'ai perdu une
bonne maison dont j'etais le maitre et quarante mille livres de rente
qu'on depensait a me divertir.... Figurez-vous que ce fut moi qui
annoncai a la pauvre femme qu'il fallait partir.... J'etais oblige
d'honneur a la faire mourir dans les regles.... Je lui amenai un
pretre.... Quand il lui demanda si elle etait bien persuadee que Dieu
etait dans l'Eucharistie, elle repondit: "Ah! oui!" d'un ton qui m'eut
fait pouffer de rire dans des circonstances moins lugubres".--Il voit
arriver sa propre mort avec une gaite moindre; mais il lui fait encore
bonne figure. Il regarde ce peuple de laboureurs et d'artisans qu'il
a cree autour de lui, ces beaux domaines, ces fabriques, cette ville
florissante qui est son oeuvre, et son rempart. Il fait du bien en
s'enrichissant et en criant qu'il se ruine. Ce sont trois jouissances.
Il ecrit pour deux ou trois innocents condamnes, ce qui restitue sa
popularite, satisfait ses rancunes contre la magistrature, lui sera
compte par la posterite comme
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