tile d'avoir vingt-deux ans pour ecrire une oeuvre pareille.
Cela me consterne que l'auteur n'ait que vingt-deux ans; j'aurais
compris qu'il en eut au moins cinquante. Serait-il donc vrai que les
debutants, meme ceux qui ont soif d'originalite et de nouveaute, se
trouvent fatalement condamnes a l'imitation? Peut-etre M. Lomon ne
s'est-il pas apercu des emprunts qu'il a faits de tous les cotes, du
cadre vermoulu dans lequel il a place sa piece, des lieux communs qui
y trainent, de la fille batarde, en un mot, dont il est accouche. La
jeunesse n'a pas conscience des heures qu'elle perd a se vieillir.
Je sais que le patriotisme repond atout. M. Lomon a ecrit un drame
patriotique, cela ne suffit-il pas a prouver l'elan genereux de sa
jeunesse? Je dirai une fois encore que le veritable patriotisme, quand
on fait jouer une piece a la Comedie-Francaise, consiste avant tout
a tacher que cette piece soit un chef-d'oeuvre. Le patriotisme de
l'ecrivain n'est pas le meme que celui du soldat. Une oeuvre originale
et puissante fait plus pour la patrie que de beaux coups d'epee, car
l'oeuvre rayonne eternellement et hausse la nation au-dessus de toutes
les nations voisines. Quand vous aurez fait crier sur la scene: _Vive la
France!_ ce ne sera la qu'un cri banal et perdu. Quand vous aurez ecrit
une oeuvre immortelle, vous aurez reellement prolonge la vie de la
France dans les siecles. Que nous reste-t-il de la gloire des peuples
morts? Il nous reste des livres.
_Jean Dacier_ est, parait-il, une oeuvre republicaine. Je demande a
en parler comme d'une oeuvre simplement litteraire. Le sujet est
l'eternelle histoire du paysan vendeen qui se fait soldat de la
Republique et qui se retrouve en face de ses anciens seigneurs,
lorsqu'il est devenu capitaine. Naturellement, Jean aime la comtesse
Marie de Valvielle, et naturellement aussi il se montre deux fois
magnanime envers son ennemi et rival, Raoul de Puylaurens, le cousin de
la jeune dame. L'originalite de la piece consiste dans le noeud meme du
drame. Jean retrouve la comtesse juste au moment ou elle passe dans
la legendaire charrette pour aller a l'echafaud. Or, un homme peut la
sauver en l'epousant. Jean lui offre son nom, et la comtesse accepte,
en croyant qu'il agit pour le compte de Raoul. On comprend le parti
dramatique que M. Lomon a pu titrer de cette situation: une comtesse
mariee a un de ses anciens domestiques, se revoltant, puis finissant par
l'aimer au moment ou il a donne
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