apporte pas un document humain,
reste une histoire en l'air, plus ou moins interessante, plus ou moins
ingenieuse, mais d'une qualite radicalement inferieure. Et c'est ce que
je reproche aux critiques de n'avoir pas dit, en parlant du _Chien de
l'aveugle_.
Comment! voila un drame estimable assurement, mais un drame comme nous
en avons une centaine peut-etre dans notre repertoire, et vous criez
tout de suite a la merveille, vous semblez le proposer en modele a nos
jeunes auteurs dramatiques! C'est du theatre, criez-vous, et il n'y
a que ca. Eh bien! s'il n'y a que ca, il vaut mieux que le theatre
disparaisse. Votre role est mauvais, car vous decouragez toutes les
tentatives originales, pour n'appuyer que les retours aux formules
connues. Qu'on nous ramene a _Lazare le Patre_, puisque la situation
telle que vous l'entendez ou plutot l'aventure, regne sur les planches
en maitresse toute-puissante.
LE DRAME HISTORIQUE
_Les Mirabeau_, le drame de M. Jules Claretie, viennent de soulever la
grave question du drame historique moderne. J'ai lu a ce sujet, dans les
feuilletons de mes confreres, des opinions bien etonnantes; je sais
que ces opinions sont celles du plus grand nombre; mais elles ne m'en
paraissent que plus etonnantes encore.
Ainsi, voici toute une theorie, qui, parait-il, nous vient d'Aristote en
passant par Lessing. Ce sont la des autorites, je pense, et qui comptent
aujourd'hui, dans nos idees modernes. Donc la verite historique
est impossible au theatre; il n'y faut admettre que la convention
historique. Le mecanisme est bien simple: vous voulez, par exemple,
parler de Mirabeau; eh bien, vous ne dites pas du tout ce que vous
pensez de Mirabeau, vous auteur dramatique, parce que le public se moque
absolument de ce que vous pensez, des verites que vous avez acquises, de
la lumiere que vous pouvez faire; ce qu'il faut que vous disiez, c'est
ce que le public pense lui-meme, de facon a ce que vous ne blessiez pas
ses opinions toutes faites et qu'il puisse vous applaudir.
Voila! Rien de plus amusant comme mecanique. Representons-nous l'auteur
dramatique dans son cabinet; il est entoure de documents, il peut
reconstruire, planter debout sur la scene, un personnage reel, tout
palpitant de vie; mais ce n'est pas la son souci, il ne se pose que
cette question: "Qu'est-ce que mes contemporains pensent du personnage?
Diable! je ne veux pas contrarier mes contemporains, car je les connais,
ils seraient capables
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