de siffler. Donnons-leur le bonhomme qu'ils
demandent." Et voila la verite historique tranchee au theatre. Le
theoreme se resume ainsi: ne jamais devancer son epoque, etre aussi
ignorant qu'elle, repeter ses sottises, la flatter dans ses prejuges et
dans ses idees toutes faites, pour enlever le succes. Certes, il y a la
un manuel pratique du parfait charpentier dramatique, qui a du bon, si
l'on veut battre monnaie. Mais je doute qu'un esprit litteraire ayant
quelque fierte s'en accommode aujourd'hui.
Cela me rappelle la theorie de Scribe. Comme un ami s'etonnait un jour
des singulieres paroles qu'il avait pretees a un choeur de bergeres,
dans une piece quelconque: "Nous sommes les bergeres, vives et legeres,
etc." il haussa les epaules de pitie. Sans doute, dans la realite, les
bergeres ne parlaient pas ainsi; seulement, il ne s'agissait pas de
mettre des paroles exactes dans la bouche des bergeres, il s'agissait de
leur preter les paroles que les spectateurs pensaient eux-memes en les
voyant: "Nous sommes les bergeres, vives et legeres, etc." Toute la
theorie de la convention au theatre est dans cet exemple.
Ce qui me surprend toujours, dans ces regles donnees pour un art
quelconque, c'est leur parfait enfantillage et leur inutilite absolue.
Rien n'est plus vide que ce mot de convention, dont on nous bat les
oreilles. La convention de qui? la convention de quoi? Je connais bien
la verite; mais la convention m'echappe, car il n'y a rien de plus
fuyant, de plus ondoyant qu'elle. Elle se transforme tous les ans, a
chaque heure. Elle est faite de ce qu'il y a de moins noble en nous, de
notre betise, de notre ignorance, de nos peurs, de nos mensonges. Le
seul role d'une intelligence qui se respecte est de la combattre par
tous les moyens, car chaque pas gagne sur elle est une conquete pour
l'esprit humain. Et ils sont la une bande, des hommes honorables, tres
consciencieux, animes des meilleures intentions, dont l'unique besogne
est de nous jeter la convention dans les jambes! Quand ils croient avoir
triomphe, quand ils nous ont prouve que nous sommes uniquement faits
pour le mensonge, que nous pataugerons toujours dans l'erreur, ils
exultent, ils prennent des airs de magisters tout orgueilleux de leur
besogne. Il n'y a vraiment pas de quoi.
Mais ils se trompent. La marche vers la verite est evidente, aveuglante.
Pour nous en tenir au theatre, prenez une histoire de notre litterature
dramatique nationale, et voyez la
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