que du temps. Quand le drame
romantique s'est produit, il a eu la pretention justifiee de retablir
les milieux; et, s'il a peu reussi a faire vivre les personnages exacts,
il ne les a pas moins humanises, en leur donnant des os et de la chair.
Voila donc une premiere conquete sur la convention, tres certaine,
tres marquee. Et je n'indique que les grandes lignes; cela s'est fait
lentement, avec toutes sortes de nuances, de batailles et de victoires.
Aujourd'hui, nous en sommes la. La piece historique, qui n'etait qu'une
dissertation dialoguee sur un sujet quelconque, devient de jour en jour
une etude critique. Et c'est le moment qu'on choisit pour nous dire:
"Restons dans la convention, la verite historique est impossible."
Vraiment, c'est se moquer du monde. Le pis est que les critiques
pratiques qui donnent de pareils conseils aux jeunes auteurs, les
egarent absolument. Il faut toujours se reporter a l'experience, a
ce qui se passe sous nos yeux. Nous ne sommes meme plus au temps ou
Alexandre Dumas accommodait l'histoire d'une si singuliere et si
amusante facon. Voyez ce qui a lieu, chaque fois qu'on reprend un de ses
drames: ce sont des sourires, des plaisanteries, des chicanes dans les
journaux. Cela ne supporte plus l'examen, et cela achevera de tomber en
poussiere avant trente ans. Mais il y a plus: les critiques qui sont
les champions enrages de la convention, ne laissent pas jouer un drame
historique nouveau, sans l'eplucher soigneusement, sans en discuter
la verite, tellement ils sont emportes eux-memes par le courant de
l'epoque.
Que se passe-t-il donc? Mon Dieu, une chose bien visible. C'est que
nous devenons de plus en plus savants, c'est que ce besoin croissant
d'exactitude qui nous penetre malgre nous, se manifeste en tout, aussi
bien au theatre qu'ailleurs. Tel est le courant naturaliste dont je
parle si souvent, et qui fait tant rire. Il nous pousse a toutes les
verites humaines. Quiconque voudra le remonter sera noye. Peu importe la
facon dont la verite historique triomphera un jour sur les planches; la
seule chose qu'on peut affirmer, c'est qu'elle y triomphera, parce que
ce triomphe est dans la logique et dans la necessite de notre age.
Prendre des exemples dans les pieces nouvelles pour demontrer que la
verite n'est pas commode a dire, c'est la une besogne puerile, une facon
aisee de plaider son impuissance et ses terreurs. Il vaudrait mieux
montrer ce que les pieces nouvelles apportent deja de dec
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