lente evolution des mysteres a la
tragedie, de la tragedie au drame romantique, du drame romantique aux
comedies psychologiques et physiologiques de MM. Augier et Dumas fils.
Remarquez qu'il n'est pas question ici du talent, du genie qui eclate
dans les oeuvres, en dehors de toute formule. Il s'agit de la formule
elle-meme, du plus ou du moins de convention admise, de la part faite a
la verite humaine. Un rapide examen prouve que la convention au theatre
s'est transformee et s'est reduite a chaque siecle; on pourrait compter
les etapes, on verrait la verite s'elargissant de plus en plus,
s'imposant par des necessites sociales. Sans doute il existera toujours
des fatalites de metier, des reductions et des a peu pres materiels,
imposes par la nature meme des oeuvres. Seulement, la question n'est pas
la, elle est dans les limites de notre creation humaine; dire qu'une
oeuvre sera vraie, ce n'est pas dire que nous la creerons a nouveau,
c'est dire que nous epuiserons en elle nos moyens d'investigation et de
realisation. Et, quand on voit le chemin parcouru sur la scene, depuis
les _Mysteres_ jusqu'a la _Visite de Noces_, de M. Dumas, on peut bien
esperer que nous ne sommes pas au bout, qu'il y a encore de la verite a
conquerir, au dela de la _Visite de Noces_.
Cependant, lorsque je dis ces choses, cela semble tres comique. Je ne
suis qu'un historien, et l'on me change en apotre. Je tache simplement
de prevoir ce qui sera par ce qui a ete, et l'on me prete je ne sais
quelle imbecile ambition de chef d'ecole. Tout ce que j'ecris exclut
l'idee d'une ecole: aussi se hate-t-on de m'en imposer une. Un peu
d'intelligence pourtant suffirait.
Pour en revenir au drame historique, la question de la convention s'y
presente justement d'une facon tres caracteristique. Dans ces pages
ecrites au courant de la plume, je ne puis qu'indiquer les sujets
d'etude qu'il faudrait approfondir, si l'on voulait eclairer tout a fait
les questions. Ainsi rien ne serait plus interessant que d'etudier la
marche de notre theatre historique vers les documents exacts. On sait
quelle place l'histoire tenait dans la tragedie; une phrase de Tacite,
une page de tout autre historien, suffisait; et la-dessus l'auteur
ecrivait sa piece, sans se soucier le moins du monde de reconstituer le
milieu, pretant les sentiments contemporains aux heros de l'antiquite,
s'efforcant uniquement de peindre l'homme abstrait, l'homme
metaphysique, selon la logique et la rhetori
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