nomme la trouvaille de MM. Malard et Tournay. Il parait que ces
messieurs ont eu un coup de genie en imaginant, apres la reussite du
crime, les deux derniers actes, ou l'on voit Octave Froment, sorti de
prison, venir reclamer le payement de son crime a madame de La Barre,
qui s'est faite le bon ange de son amant devenu aveugle. La grande scene
est celle-ci: a la suite d'une longue et penible discussion entre les
deux complices, Octave va se resigner et s'eloigner de nouveau, lorsque
l'amant, Lucien d'Alleray, arrive et reconnait la voix de l'homme qui
lui a ote la vue. Il s'approche, pose la main sur l'epaule de cet homme
et y trouve le bras de la femme qu'il adore; de la des soupcons, une
instruction nouvelle, et finalement le suicide de madame de La Barre,
qui se jette par une fenetre. Cette situation du quatrieme acte a exalte
les critiques. Il parait que cela est du theatre, et du meilleur.
Voyons, tachons d'etre juste. D'abord, nous avons vu cela cent fois.
Ensuite, nous sommes simplement ici dans un fait-divers, et encore
bien invraisemblable. Il faut que madame de La Barre y mette de la
complaisance, pour que Lucien trouve son bras au cou d'Octave; elle
supplie ce dernier de se taire, je le sais, elle se pend a ses epaules,
et le groupe est interessant; mais tout cela n'en reste pas moins une
combinaison scenique, ou l'etude humaine, les caracteres et les passions
des personnages n'ont rien a voir. Si ce qu'on nomme le theatre est
reellement dans cette seule mecanique des faits, ni Moliere, ni
Corneille ni Racine n'ont fait du theatre.
Il faudrait s'entendre une bonne fois sur la situation au theatre. La
situation s'impose, si l'on entend par elle le fait auquel arrivent deux
personnages qui marchent l'un vers l'autre. Elle est des lors, comme
je l'ai dit plus haut, la resultante meme des personnages. Selon les
caracteres et les passions, elle se posera et se denouera. C'est
l'analyse qui l'amene et c'est la logique qui la termine. Au fond,
le drame n'est donc qu'une etude de l'homme. Remarquez que j'appelle
situation tout fait produit par les personnages. Il y a, en outre, le
milieu et les circonstances exterieures, qui au contraire agissent sur
les personnages. Rien de plus poignant que cette bataille de la vie,
les hommes soumis aux faits et produisant les faits: c'est la le vrai
theatre, le theatre de tous les grands genies. Quant a cette mecanique
theatrale dont on nous rebat les oreilles, a ces situation
|