qui jouent: "Votre fils est la, choisissez dans le
tas!" L'effet a ete immense. Cela prend les spectateurs par les nerfs
et par le coeur. Toujours, de pareilles combinaisons dramatiques, qui
mettent en jeu les profonds sentiments de l'homme, remueront puissamment
une salle.
Ce qui meurt, au theatre comme partout, ce sont les modes, les formules
vieillies. Il est certain que le dernier acte des _Abandonnes_, ce
pavillon ou Morgane vient assassiner Nanine, est de l'art mort. On le
tolere, parce qu'il faut bien accepter un denoument quelconque. Mais on
est fache que l'auteur n'ait pas trouve quelque chose de neuf pour
finir sa piece. Le melodrame est mort, si l'on parle des recettes
melodramatiques connues, des combinaisons qui defrayent depuis quarante
ans les theatres des boulevards et dont le public ne veut plus. Le
melodrame est vivant, et plus vivant que jamais, s'il est question des
pieces qu'on peut ecrire sur l'eternel theme des passions, en employant
des cadres nouveaux et en renouvelant les situations. Nous sommes
emportes vers la verite; qu'un dramaturge satisfasse le public en lui
presentant des peintures vraies, et je suis persuade qu'il obtiendra
des succes immenses. Le tort est de croire qu'il faut rester dans les
ornieres de l'art dramatique pour etre applaudi. Adressez-vous aux
habiles, et vous verrez qu'eux surtout sentent la necessite d'une
renovation.
V
M. Ernest Blum est un fervent du melodrame. Il avait obtenu un beau
succes avec _Rose Michel_. Aujourd'hui, il vient de tenter la fortune
avec un drame historique, _l'Espion du roi_, mais je serais tres
surpris que le succes fut egal, car le public m'a paru bien froid et
singulierement depayse, en face des personnages, empruntes a une Suede
de fantaisie. Entendons-nous, on a applaudi les mots sonores d'honneur,
de patrie et de liberte; mais les spectateurs n'etaient pas "empoignes",
et se moquaient parfaitement de la Suede, au fond de leur coeur.
L'avouerai-je? J'ai a peine compris les deux premiers tableaux. Rien
n'accrochait mon attention. Il y avait la un amas d'explications
necessaires, pour indiquer le moment historique et l'affabulation
compliquee du drame, qui lassait evidemment la patience de toute la
salle. Les visages semblaient ecouter, mais n'entendaient certainement
pas. Aussi, quelle etrange idee, d'etre alle choisir la Suede, qui
compte si peu dans les sympathies populaires de notre pays! Ce choix
malheureux suffit a reculer
|