rtez ainsi
toute l'action des _Abandonnes_ dans le peuple, et vous obtiendrez une
piece vraiment originale, d'une peinture vraie et puissante. Je repete
que les seules parties de l'oeuvre qui ont porte sont les parties
populaires. C'est la une experience dont le resultat m'a enchante, parce
que j'y ai vu une confirmation de toutes les idees que je defends.
Deja, lorsque M. Louis Davyl fit jouer a la Porte-Saint-Martin ce drame
stupefiant de _Coq-Hardy_, ou l'on voyait Louis XIV enfant se promener
la nuit dans les rues de Paris en jouant de sa petite epee de gamin,
j'ai dit combien les vieilles formules sont delicates a employer.
L'auteur etait la dans la piece de cape et d'epee, cherchant le succes
avec une bonne foi et un courage meritoires. Le drame ne reussit pas, il
comprit, qu'il se trompait, il frappa ailleurs. Je lui avais conseille
de s'attaquer au monde moderne. Il vient de donner les _Abandonnes_, et
il doit s'en trouver bien. Maintenant, s'il veut prendre une place tout
a fait digne et a part, il faut qu'il fasse encore un pas, il faut qu'il
accepte franchement les cadres contemporains et qu'il ne les gate pas,
en y introduisant des elements poncifs. C'est lorsqu'on veut menager le
public qu'on se le rend hostile.
Serieusement, croit-on qu'une oeuvre d'une complication si laborieuse,
avec des histoires folles qui ont traine partout, avec ces trois batards
qui passent comme des muscades sous les gobelets du dramaturge, ait
quelque chance de laisser une petite trace? On la jouera quarante,
cinquante fois; puis, elle tombera dans un oubli profond, et si
par hasard quelqu'un la deterre un jour, il sourira du lord et
de l'aventuriere en disant: "C'est dommage, les ouvriers etaient
interessants." A la place de M. Louis Davyl, j'aurais une ambition
litteraire plus large, je voudrais tenter de vivre. Il est homme de
travail et de conscience. Pourquoi ne jette-t-il pas la toute la
pretendue science du theatre, qui jusqu'ici l'a empeche de faire un
drame vraiment neuf et vivant?
Chaque fois qu'un melodrame reussit, il y a des critiques qui s'ecrient:
"Eh bien! vous voyez que le melodrame n'est pas mort." Certes, il
n'est pas mort et il ne peut mourir. Par exemple, jamais un public ne
resistera a une scene comme celle des deux meres, dans les _Abandonnes_.
Nanine vient reclamer Robert a Ursule, la mere adoptive se sent pleine
de tendresse a cote de la veritable mere, et elle lui crie, en montrant
les trois enfants
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