On les appelle alors _repondants (Oushbiti)_, on leur met au
poing les instruments de labourage, et on leur donne presque toujours la
semblance d'un corps momifie, dont les mains et le visage seraient
degages des bandelettes. Les canopes, avec leurs tetes d'epervier, de
cynocephale, de chacal et d'homme, etaient reserves, des la XIe
dynastie, aux visceres qu'on etait oblige d'extraire de la poitrine et
du ventre pendant l'embaumement. La momie elle-meme se charge de plus en
plus de cartonnages, de papyrus, d'amulettes qui lui font comme une
armure magique, dont chaque piece preserve les membres et l'ame qui les
anime de la destruction.
En theorie, chaque Egyptien avait droit a une maison eternelle, edifiee
sur le plan dont je viens d'indiquer les transformations; mais les
petites gens se passaient fort bien de tout ce qui etait necessaire aux
morts de condition. On les enfouissait ou la place coutait le moins,
dans de vieilles tombes violees et abandonnees, dans des fissures
naturelles de la montagne, dans des puits ou dans des fosses communes.
A Thebes, au temps des Ramessides, de grandes tranchees creusees dans le
sable attendaient les cadavres. Les rites accomplis, les fossoyeurs
recouvraient legerement les momies de la journee, parfois isolees,
parfois associees par deux ou trois, parfois empilees, sans qu'on eut
cherche a les disposer par couches regulieres. Quelques-unes n'avaient
de protection que leurs bandages, d'autres etaient enveloppees de
branches de palmier liees en facon de bourriche. Les plus soignees ont
une boite en bois mal degrossie, sans inscription ni peinture. Beaucoup
sont affublees de vieux cercueils d'occasion, qu'on ne s'etait pas donne
la peine d'ajuster a la taille du nouveau proprietaire, ou sont jetees
dans une caisse fabriquee avec les debris de deux ou trois caisses
brisees. De mobilier funeraire, il n'en etait point question pour des
marauds pareils; tout au plus ont-ils avec eux une paire de souliers en
cuir, des sandales en carton peint ou en osier tresse, un baton de
voyage pour les chemins celestes, des bagues en terre emaillee, des
bracelets ou des colliers d'un seul fil de petites perles bleues, des
figurines de Phtah, d'Osiris, d'Anubis, d'Hathor, de Bastit, des yeux
mystiques, des scarabees, surtout des cordes roulees autour du bras, du
cou, de la jambe, de la taille, et destinees a preserver le cadavre des
influences magiques.
CHAPITRE IV
LA PEINTURE ET LA SCULP
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