s coins du
monde, l'ancien comme le nouveau, on accourait a Paris. Mais ce n'etait
pas uniquement pour y mener la vie de plaisir; on y venait encore pour
mener la dure vie du travail, pour s'enrichir ou pour gagner le morceau
de pain qu'on ne trouvait pas dans son pays, trop pauvre. A tous riches
ou miserables, Paris ouvrait ses portes.
--Soyez les bienvenus, amusez-vous, travaillez; vous etes chez vous,
nous n'avons de defiance ou de jalousie contre personne. C'est a
l'entree de Paris que devait etre accrochee cette enseigne, qu'on ne
trouve plus que dans les villages perdus: _Au soleil d'or, il luit pour
tout le monde_; cela vaudra bien le _Fluctuat nec mergitur_.
De tous les etrangers, ceux qui avaient le plus largement profite de
cette hospitalite etaient les Allemands. Combien y avait-il d'Allemands
a Paris. On ne le savait pas. Les uns disaient quarante mille; les
autres, plus de deux cent mille, Et ce qui rendait la statistique a peu
pres impossible, c'etait que les Allemands, contrairement a ce qui se
produit generalement, cachaient souvent leur nationalite. A ce moment,
ils n'etaient pas encore fiers de la grande patrie allemande, et
bien souvent, quand on demandait quel etait leur pays a des gens qui
prononcaient d'une etrange facon les _p_, les _b_ et les _v_, ils vous
faisaient des histoires invraisemblables. Si l'on avait inscrit au
compte de l'Alsace tous ceux qui se disaient Alsaciens, on aurait trouve
qu'il y avait plus d'Alsaciens a Paris que dans le Haut-Rhin et dans le
Bas-Rhin.
Quoi qu'il en fut du chiffre exact, il y avait un fait certain, qui
etait que ce chiffre etait considerable: partout des Allemands. Dans la
finance, des Allemands: dans le commerce d'exportation et de commission,
des Allemands; chez les tailleurs, des Allemands; chez les bottiers, des
Allemands; dans les hotels, comme _kellner_ et comme _oberkellner_, des
Allemands; pour balayer nos rues, des Allemands; dans le charronnage,
la carrosserie, l'ebenisterie, des Allemands. Il y avait dans Paris des
quartiers exclusivement occupes par des Allemands "la colline" a la
Villette; d'autres sans nom particulier, aux Batignolles, a la barriere
de Fontainebleau, au boulevard Richard-Lenoir, et dans ces quartiers de
grandes cours allemandes _(deutsche hoefe)._
Nulle part, si ce n'est dans les villes du nord des Etats-Unis on
n'aurait trouve une pareille agglomeration d'Allemands.
Le baron Lazarus, bien qu'il n'occupat a Paris aucu
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