n'est-il pas vrai? alors que le oui m'est si doux a prononcer.
Le colonel restait toujours immobile, sous le regard souriant du baron.
Alors celui-ci parut remarquer cette immobilite et cette stupefaction;
son sourire s'effaca, et peu a peu, mais rapidement cependant, son
visage prit l'expression de la surprise.
--Eh quoi! dit-il, que se passe-t-il donc en vous? qu'avez-vous?
pourquoi ce regard trouble? qui cause cette emotion? Vous vous taisez?
Ah! mon Dieu!
Et le baron, a son tour, se leva vivement.
--Voyons, mon ami, dit-il, mon cher ami, vous m'avez bien dit, n'est-ce
pas, que vous aviez une demande a m'adresser?
--Oui.
--Eh bien! alors c'est a cette demande que j'ai repondu. Que
trouvez-vous dans cette reponse qui ne vous satisfasse pas? Elle est a
vous, je vous repete que je vous la donne.
Le colonel, gardant le silence, baissa la tete.
Le baron parut le regarder avec une surprise qui croissait de seconde en
seconde; tout a coup il se frappa la tete, et prenant le colonel par la
main:
--Cette demande, dit-il,--sur votre honneur, repondez franchement,
colonel;--cette demande ne s'appliquait donc pas a ma fille? Sans pitie,
sans menagement, sans circuit, un oui ou un non: repondez, colonel,
repondez.
--Je venais vous dire qu'on presence de certains propos qui couraient
dans le monde et que mon assiduite chez vous paraissait justifier, je
vous demandais a suspendre nos relations.
Le baron tomba affaisse sur son fauteuil, comme s'il venait de recevoir
un coup de massue qui l'avait assomme.
--Ah! mon Dieu! dit-il, ma pauvre enfant!
A plusieurs reprises, il repeta ces trois mots avec un accent dechirant:
il etait accable.
Bientot il redressa la tete, et, a plusieurs reprises, il passa ses
deux larges mains sur son visage en les appuyant fortement comme pour
comprimer son front; puis, se levant et croisant ses bras, il vint se
placer en face du colonel, a deux pas.
--Et vous m'avez laisse parler? dit-il.
Ce n'etait pas de la colere qu'il y avait dans ces paroles: c'etait une
profonde douleur, un morne desespoir.
--Moi, dit-il, j'ai mis a nu devant vous le coeur de ma fille.
Un temps assez long se passa, sans qu'ils prissent ni l'un ni l'autre la
parole.
Le colonel ne savait que dire, et le baron attendait qu'il commencat.
Enfin le baron se decida.
--Ne me repondez pas, dit-il; nous ne sommes point en etat de nous
expliquer en ce moment. Vous reflechirez de votre cote; mo
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