'obstruction du cote du foie; j'en suis aussi
certain que si vous m'aviez longuement raconte ce que vous eprouvez.
Et, se tenant a des indications assez vagues, il decrivit les differents
etats par lesquels le colonel passait dans la digestion.
--Est-ce exact?
--Tres exact.
--Eh bien! mon cher monsieur, si j'etais a votre place, je n'hesiterais
pas une minute; je partirais pour Carlsbad, Marienbad, Kissingen ou
Hombourg, dont les eaux vous debarrasseraient rapidement. Sans doute
votre etat n'est pas grave; cependant je suis convaincu qu'une
medication fondante et resolutive vous serait salutaire. Il ne faut pas
garder cela, voyez-vous; pris en temps, ce n'est rien, tandis que quand
on a attendu, il est souvent trop tard lorsqu'on veut agir. Les eaux
allemandes, c'est non-seulement un conseil d'ami, c'est encore un ordre
de medecin, si vous me permettez de parler ainsi.
Quelques instants apres que le medecin se fut eloigne, le baron se
rapprocha du colonel.
--Eh bien! dit-il, que me raconte donc le docteur Pfoefoers? Il vous
ordonne les eaux dans notre pays. Si je puis vous etre utile, je me mets
a votre disposition.
--Je vous remercie, je ne puis pas quitter Paris en ce moment.
--Meme quand la science l'ordonne!
Je ne puis pas obeir a la science.
--Mais c'est une horrible imprudence.
--Plus tard, je verrai.
Il fut impossible de le decider ou de l'ebranler; il avait trop souvent
vu la mort pour avoir peur des medecins, et leurs arrets le laissaient
parfaitement calme quand il n'en riait pas.
Il fallut se tourner d'un autre cote, et ce fut Ida qui dut essayer de
decider le colonel a faire un voyage en Allemagne.
Mais pour cela il aurait fallu du temps, et precisement le temps
manquait.
De jour en jour, d'heure en heure, la guerre devenait plus menacante,
et, par ce qui se passait a Paris, au moins par ce qu'on voyait, il
etait evident que le gouvernement francais cherchait a provoquer les
sentiments guerriers du pays, comme pour lui faire prendre une part de
responsabilite dans la declaration de la guerre.
Paris presentait une physionomie etrange, ou les emotions theatrales se
melaient aux sentiments les plus sinceres.
On a la fievre; on sort pour savoir, pour respirer. Sans se connaitre,
on s'aborde, on s'interroge, on discute; les boulevards sont une cohue,
et, tandis que les pietons s'entassent sur les trottoirs, les voitures
sur la chaussee s'enchevetrent si bien, qu'elles ne peu
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