i, je
reflechirai du mien, et tous deux, en hommes d'honneur, nous chercherons
un moyen pour sortir de cette terrible situation. En attendant, je vous
prie de ne pas interrompre vos visites et je vous demande d'etre pour ma
fille ce que vous avez ete. Il ne faut pas qu'elle apprenne la
verite par un coup brutal: elle en mourrait, ne l'oubliez pas. Je la
preparerai; nous chercherons, nous verrons. Je compte donc sur vous pour
notre diner de mardi.. Vous viendrez?
--Je viendrai.
Quand le colonel se fut retire, le baron rentra chez sa fille, se
frottant les mains a se les bruler.
--Eh bien! papa? dit Ida.
--Eh bien! mon enfant, le colonel cherche en ce moment une bonne formule
pour me demander ta main; viens que je t'embrasse.
XXIV
Mais ce plan du baron ne se realisa pas tel qu'il avait ete concu, il
lui manqua la condition sur laquelle le baron comptait le plus: le
temps, et le hasard, que le baron n'avait pas admis dans ses calculs,
vint bouleverser ses savantes combinaisons.
On sait quel mouvement de surprise et de stupefaction s'empara de tout
le monde, lorsqu'au mois de juillet 1870 on comprit tout a coup que la
guerre entre la France et la Prusse pouvait faire explosion d'un moment
a l'autre.
En disant que tout le monde fut surpris, le mot n'est peut-etre pas tout
a fait juste.
Il y avait en effet, en France, des gens que la marche du gouvernement
epouvantait, et qui se disaient que ce gouvernement aux abois, apres
avoir essaye de tous les expedients et tente toutes les aventures, se
jetterait, un jour ou l'autre, dans une nouvelle guerre pour retrouver
la quelques mois de force et de puissance qui lui permissent de resister
a la liberte.
D'autres, qui connaissaient la Prusse et qui savaient quel formidable
engin de guerre elle avait entre les mains, se disaient que surement
elle voudrait s'en servir avant qu'il se fut rouille, et etablir ainsi
sa domination dans toute l'Allemagne sur la defaite de la France.
De la des points noirs, comme on disait alors, c'est-a-dire des nuages
charges d'orages qui, se rencontrant et se choquant, devaient fatalement
allumer la foudre.
Mais ces nuages, qui, en ces dernieres annees, avaient souvent menace de
se rencontrer, paraissaient pour le moment eloignes l'un de l'autre; le
ciel etait serein, le barometre etait au beau, et les esprits timides
avaient fini par se rassurer. Ce ne serait pas pour cette annee Le baron
Lazarus lui-meme, qui savait bien
|