e calme
sans solitude.
Abandonnant le mardi, il vint donc rue du Colisee le jeudi ou le samedi
quelquefois meme le jeudi et le samedi.
Peu a peu, il s'etait pris d'amitie pour Ida, et il avait pour elle les
attentions et les prevenances qu'un grand frere a pour une soeur plus
jeune.
Il se livrait d'autant plus librement a ce sentiment, qu'il etait
bien certain que ce n'etait et que ce ne pouvait etre qu'une amitie
fraternelle.
Mort pour le present et l'avenir, aussi bien que pour le passe.
Plusieurs fois, la femme qu'il avait passionnement aimee, madame de
Lucilliere, sa chere marquise, sa chere Henriette, avait paru vouloir
rappeler ce passe a la vie; mais il avait ferme les yeux et les oreilles
aux avances franches et precises qu'elle lui avait faites. Elle avait
insiste. Dans une maison ou ils se rencontraient, elle etait venue a
lui, la main tendue; il s'etait incline, et, sans prendre cette main,
il avait recule. Un autre soir, elle avait manoeuvre de maniere a le
trouver seul dans un boudoir, et vivement, en quelques mots, elle lui
avait dit qu'elle avait a lui parler. Aussi poliment que possible, mais
avec une froideur glaciale, sans emotion et sans trouble, il avait
repondu qu'il n'avait rien a entendre d'elle, et il s'etait retire,
degageant avec fermete son bras, qu'elle avait pris.
Non, il n'aimerait plus, et il n'y avait pas a craindre que le sentiment
amical qu'il eprouvait pour Ida, se changeat jamais en une tendresse
passionnee.
Les semaines, les mois s'ecoulerent, et l'on gagna l'ete sans que les
diners ni les soirees s'interrompissent.
Un soir de juillet, qu'il se rendait a pied rue du Colisee pour faire sa
visite du samedi, marchant doucement, il croisa, en arrivant devant la
porte du baron Luzerne, son ami Gaston de Pomperan, et naturellement
tous deux s'arreterent en meme temps pour se serrer la main.
Apres quelques mots insignifiants, Gaston se mit a sourire en montrant
du doigt les arbres du jardin du baron.
--Vous allez la? dit-il.
--Oui, je vais faire une visite au baron.
--Et a sa fille?
--Et a sa fille.
--Alors c'est vrai?
--Qui est vrai?
-Est-il vrai que vous epousez mademoiselle Lazarus?
A ce nom, le colonel fit deux pas en arriere et frappa le pave du pied.
--Vous voyez bien, mon cher Edouard, que ma question etait indiscrete et
que j'avais raison d'hesiter a vous l'adresser.
--C'est qu'aussi ces questions a propos de mariage sont vraiment
irrita
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