dit, et il fallait le dire pour qu'il n'y eut pas de malentendu
entre nous, j'arrive a la partie difficile de la demande que j'ai a vous
adresser, et pour laquelle, vous le voyez, je cherche mes mots sans les
trouver.
Le baron se mit a rire de son gros rire bon enfant.
--Comment! mon cher ami, vous cherchez vos paroles avec moi et pour
une demande telle que celle que vous avez a m'adresser? Allons donc!
Pourquoi ne pas parler tout simplement, franchement, sans detours et
sans ambages?
Assurement vous avez raison, dit le colonel, surpris de cette gaiete;
mais...
--Mais, quoi! croyez-vous que je ne sache pas ce qu'il y a dans votre
demande?
--Vous savez?
--Parbleu! Et vraiment, dans les termes ou nous sommes, cela n'est pas
bien difficile a deviner. Je ne suis pas un grand sorcier ni un grand
diplomate; je suis un bon pere, voila tout; un homme qui aime sa fille
et auquel l'amour paternel donne une certaine clairvoyance.
Il se tut pour regarder le colonel avec une bonhomie pleine d'emotion.
--Voyons, dit-il en poursuivant, si je ne m'etais pas apercu depuis
longtemps de ce dont il s'agit, je ne serais pas le pere que vous
connaissez.
Contrairement a ce qu'avait fait le colonel, le baron parlait d'une voix
forte et rapide, de telle sorte qu'il etait a peu pres impossible de
l'interrompre.
--Savez-vous ce que j'ai fait, lorsqu'il y a quelques mois j'ai commence
a me douter de quelque chose? Non, n'est-ce pas? Eh bien! je vais vous
le dire pour que vous compreniez ce que je suis et pour que vous me
jugiez tout entier. Je me suis adresse a ma fille, la tout franchement,
directement. Je vois que ca vous etonne. Eh bien! cependant, je crois
que je n'ai pas eu tort. Au reste, j'aurais voulu agir autrement que
je n'aurais pas pu. Quand on est franc, si l'on veut biaiser avec sa
franchise, on ne fait que des maladresses, maladresses de paroles et, ce
qui est plus grave, maladresses de conduite. Vous me direz que j'aurais
pu m'adresser d'abord a vous. Cela est vrai, mais avec ma fille j'avais
une liberte que je n'aurais pas eue avec vous. Je me suis donc adresse
a elle et je lui ai dit: "Ma chere fille, je ne suis pas soupconneux
et n'ai aucune des qualites d'un juge d'instruction ou d'un limier de
police, cependant je vois autour de moi des choses qui me touchent au
coeur, je vois ce qui se passe, mais je ne sais pas quels sont tes
sentiments, et je viens a toi franchement pour que tu me les dises." Je
dois
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