troubla sa jouissance musicale, et, au lieu d'ecouter
religieusement la romance de Mendelssohn, il se demanda curieusement ce
qu'avait le colonel.
Plusieurs fois, dans le cours de la soiree, qui se passa assez
tristement, Ida fit un signe furtif a son pere pour lui montrer le
colonel; mais le baron repondit toujours en mettant un doigt sur ses
levres.
Ce fut le colonel lui-meme qui prit les devants.
--Voulez-vous me donner monsieur votre pere pendant quelques instants?
dit-il en s'adressant a Ida. J'ai a l'entretenir d'une affaire
pressante, pour moi tres-importante, et je ne voudrais pas vous imposer
l'ennui de l'entendre.
Tous deux sortirent pour passer dans le cabinet du baron. Lorsqu'ils
furent entres, le colonel se retourna pour s'assurer que la porte etait
fermee.
--Alors c'est tres grave? demanda le baron en souriant.
--Tres-grave pour moi, et meme jusqu'a un certain point pour vous. Je
pense, que mon assiduite dans votre maison vous a prouve tout le plaisir
que j'eprouvais a vous voir, ainsi que mademoiselle Lazarus.
--Plaisir partage, mon cher ami, dit le baron en mettant la main sur son
coeur, soyez-en convaincu; nos reunions ont ete un vrai bonheur pour
moi, aussi bien que pour ma fille.
--Isole a Paris, continua le colonel, n'ayant que quelques amis dont les
plaisirs etaient quelquefois pour moi une fatigue, j'etais heureux de
trouver une maison calme...
--Avec la vie de famille, acheva le baron; dites-le franchement, mon
ami. C'est la en effet ce que nous pouvions vous offrir.
--Et ce que vous m'avez offert avec une cordialite que je n'oublierai
jamais.
Le baron suivait ce discours avec anxiete, se demandant ou il devait
aboutir, et pressentant, au ton dont il etait prononce, a l'embarras qui
se montrait dans le choix des mots, enfin a mille petits faits resultant
de l'attitude et des regards du colonel, que sa conclusion ne pouvait
etre que mauvaise.
Ces paroles furent pour lui un trait de lumiere qui illumina tout ce qui
avait ete dit d'obscur jusqu'a ce moment par le colonel et en meme temps
le but encore eloigne auquel celui-ci tendait.
C'etait un adieu que le colonel lui adressait.
Instantanement son plan fut trace avec une surete de coup d'oeil qui lui
rendit sa presence d'esprit, un moment troublee.
Le colonel avait fait une pause, comme s'il s'attendait a etre aide par
le baron; mais, celui-ci etant reste silencieux, les yeux fixes sur lui,
il continua:
--Ceci
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