bles de provoquer la jalousie.
Des que le colonel arriva, le baron le prit dans un coin pour lui
communiquer les renseignements qu'il venait de recevoir.
Le _Volkstaat_ paraissait a Leipzig. C'etait un journal socialiste,
qui, fonde depuis peu de temps, exercait une grande influence dans les
classes laborieuses, sur les ouvriers des villes aussi bien que sur ceux
des campagnes. En quelques mois, il avait fait le plus grand mal; mais
le gouvernement avertit s'etait decide a le poursuivre a outrance;
son redacteur en chef venait d'etre emprisonne, et des etrangers qui
collaboraient a sa redaction etaient en fuite: on les recherchait pour
les arreter. On etait decide a en finir avec ces miserables socialistes,
qui menacaient de corrompre tout le pays.
La colonel se declara satisfait par ces renseignements, mais, en
realite, il l'etait aussi peu que possible, desole au contraire et
tourmente.
Condamne en France, par defaut, a cinq annees d'emprisonnement,
poursuivi en Allemagne, dans quel pays Antoine allait-il se retirer?
comment trouverait-il a travailler? N'etait-ce pas une vie de misere qui
commencait pour lui et pour Therese? Pas d'asile, pas de pain peut-etre,
et avec cela impossibilite de les chercher, sous peine d'aider la police
a les trouver.
Ces preoccupations nuisirent au diner du baron.
Et le colonel ne fut pas aussi sensible qu'il l'aurait ete dans d'autres
circonstances a l'esprit de l'homme d'esprit et la gourmandise du
gourmet.
Cependant, le baron l'ayant interroge plusieurs fois sur sa sante et Ida
lui ayant demande en souriant dans quel pays il voyageait presentement,
il voulut reagir contre sa maussaderie; puisqu'il avait accepte ce
diner, il devait y apporter une figure et des manieres convenables.
Evidemment sa tenue etait grossiere et ridicule, il reflechirait plus
tard.
Place pres d'Ida, il se tourna vers elle et tacha de la convaincre qu'il
ne voyageait pas pour le moment dans des pays chimeriques, mais qu'il
savait ou et pres de qui il etait.
De la s'ensuivit une conversation animee, qui chassa les preoccupations
serieuses et tristes que le baron avait fait naitre.
XXII
Ces diners "de toute intimite" comme les qualifiait et baron Lazarus, se
renouvelerent souvent, et insensiblement ils devinrent de plus en plus
frequents.
Chaque fois, le baron avait d'excellentes raisons pour appuyer son
invitation, et chaque fois le colonel, de son cote, n'en avait que de
mauvaises
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