pour la refuser.
D'ailleurs dans le vide qui remplissait son existence, ces diners
n'avaient rien pour lui deplaire, bien loin de la.
En effet, quand il ne prenait point part a un diner de gala ou quand
il n'en donnait point un lui-meme, il mangeait le plus souvent a son
restaurant ou a son cercle, et le brouhaha des grandes reunions lui
etait tout aussi desagreable que le silence et la solitude.
Chez le baron, il trouvait ce qu'il ne rencontrait pas ailleurs.
Il y a longtemps qu'on a dit que le plaisir de la table est une
sensation qui nait de l'heureuse reunion de diverses circonstances, de
choses et de personnes.
Cette reunion de choses et de personnes se rencontrait a la table du
baron, ou la chere, preparee par un cuisinier parisien et non allemand,
etait exquise, et ou les convives etaient habilement choisis pour se
faire valoir les uns les autres.
Il a ete un temps ou les diners de ce genre ont ete en honneur a Paris;
malheureusement ils ont peu a peu disparu, a mesure que tout le monde a
voulu faire grand, et ils ne se sont conserves que dans de trop rares
maisons.
Celle du baron etait de ce nombre, et pour le colonel c'etait une
detente, un repos et un charme, que ces diners intimes. On y causait
librement, spirituellement, on y mangeait delicatement, et, en meme
temps que le cerveau s'y rafraichissait, l'esprit s'y allumait: on en
sortait dans un etat de bien etre general tout a fait agreable.
Il semblait que le baron eut apporte dans le monde les qualites innees
qu'ont ses compatriotes pour la profession d'hote, ou plus justement
de maitre d'hotel, profession pour laquelle les Allemands ont
incontestablement, comme le savent tous ceux qui ont voyage, des
aptitudes remarquables.
A cote des diners vinrent les soirees, car le colonel ne pouvait diner
chaque semaine, rue du Colisee, sans faire une visite au baron et a Ida.
Bien entendu, pour ces visites, il avait choisi le jour de reception du
baron; mais il n'en etait pas de ces receptions comme des diners, elles
n'avaient aucun caractere d'intimite. S'y montraient tous ceux qui
etaient en relations d'amitie ou d'affaires avec le baron Lazarus, des
Allemands, beaucoup d'Allemands, presque exclusivement des Allemands.
Alors bien souvent la conversation prenait une tournure qui genait le
colonel, tant on disait du mal de la France. C'etait a croire que tous
ces gens, qui pour la plupart habitaient Paris, etaient des ennemis
implacables du
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