ement je ne le
lui ai pas demande. Je lui ai dit ce que nous savions, que Therese etait
en Allemagne, voila tout.
Le colonel quitta la rue de Charonne, intrigue par cette nouvelle.
XXI
Parmi les questions qu'on se pose dans un examen de conscience, il n'en
est pas de plus grave, que celle qui tient dans ces trois mots:
--Que faire maintenant?
Ce fut cette question que le colonel se posa en revenant chez lui, mais
sans trouver une reponse, c'est-a-dire un but.
Comment prendre la vie?
Par le cote serieux ou par le cote plaisant?
Sans doute il aurait pu voyager, mais ou aller, puisque precisement
l'Allemagne lui etait interdite et que c'etait en Allemagne seulement
qu'il desirait aller?
Voyager pour changer de place et devorer l'espace ne lui disait
absolument rien; par la il n'etait pas Americain et il ne ressentait pas
cette fievre de locomotion qui pousse tant de ses compatriotes en avant,
sans leur donner le temps de rien voir; il ne comprenait le voyage
qu'avec l'etude des pays qu'on visite, avec l'histoire, les monuments,
les tableaux, les objets d'art, et il se trouvait dans des dispositions
ou il lui etait impossible d'ouvrir un livre. Alors que ferait-il en
voyage? La melancolie des soirees dans les pays inconnus l'effrayait.
Autant rester a Paris.
La plupart de ceux avec qui il etait en relations se trouvaient dans des
conditions qui, jusqu'a un certain point, ressemblaient aux siennes:
combien n'avaient pas plus de volonte, plus d'initiative que lui, et
cependant ils acceptaient la vie, se laissant porter par elle.
Il ferait comme eux: a cote de ceux qui jouent un role actif dans la
comedie humaine, il y a les simples spectateurs; il serait de ceux-la.
Et justement les pieces qu'on jouait en ce moment sur le theatre du
monde ne manquaient pas d'un certain interet; peut-etre n'etaient-elles
pas d'un genre tres eleve et se rapprochaient-elles trop de la feerie et
de l'operette; mais, telles quelles etaient, elles pouvaient amuser les
yeux.
Jamais Paris n'avait ete plus brillant, plus bruyant; il ressemblait a
ces apotheoses qui terminent les pieces a spectacle, avec flammes de
Bengale, lumiere electrique et galop final. Qui pensait au lendemain?
On se ruait au plaisir, on jouissait de l'heure presente comme si l'on
avait le pressentiment que demain n'existerait pas.
Il est vrai que, de temps en temps, eclatait dans cette musique dansante
une note triste: on entendait un roulem
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