r ou de detourner ce mouvement; mais,
quoi qu'on fasse, il reprendra son cours et sa marche, car l'avenir
lui appartient.
Pour ma part, je vais employer le temps de mon exil a pousser a la
roue dans la mesure de mes moyens, car notre cause est au-dessus des
nationalites, et nous devons travailler a son succes aussi bien en
France qu'en Allemagne, aussi bien en Allemagne qu'en Angleterre.
Nous avons ici un journal, _le Volkstaat_, ce qui veut dire _le
gouvernement du peuple_, dans lequel on me demande des articles
qu'on traduira; je vais les ecrire. En meme temps je fournirai des
notes a son redacteur en chef, un de nos freres, qui ecrit
une _Histoire de la Revolution Francaise_, car partout notre
_Revolution_ doit etre un enseignement pour les peuples qui veulent
s'affranchir.
Voila pour un cote de notre vie. Quant a l'existence materielle,
n'en sois pas inquiet: je travaille ici dans l'atelier d'un tourneur
qui est un des chefs du mouvement social en Allemagne.
Je voudrais que tu le connusses: c'est le meilleur homme du monde,
le plus doux et le plus ferme. Nous demeurons porte a porte, et
Therese passe une partie de la journee a apprendre le francais a ses
deux petites filles.
Si nous etions en France et reunis, nous pourrions dire que nous
sommes pleinement heureux.
En attendant une plus longue lettre, sois donc rassure sur nous.
Cette lettre te dira comment m'ecrire et sous quel nom. Ne sois pas
inquiet pour me tenir au courant de mon proces, je lis les journaux
francais.
Je te serre les mains, ainsi que celles de Sorieul et de Denizot.
Therese embrasse son oncle et vous envoie ses amities.
ANTOINE.
Antoine etait tout entier dans cette lettre, avec ses aspirations et son
enthousiasme, mais aussi avec sa negligence des choses pratiques.
--Mais cela ne m'apprend pas ou se trouve mon oncle, dit le colonel en
rendant cette lettre a Michel, et c'etait la justement ce que je voulais
savoir.
--Vous voyez, il m'annonce une nouvelle lettre; aussitot que je l'aurai
recue, je vous la communiquerai.
--Quand vous l'aurez, dit Denizot, voudrez-vous la communiquer aussi a
une dame de vos amies qui est venue pour voir Therese?
--Une dame de mes amies? Et qui donc!
--Madame la marquise de Lucilliere, qui est venue ici hier pour voir
Therese, m'a-t-elle dit. Que lui voulait-elle? Naturell
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