et Beio etaient restes en face l'un de l'autre, sans bouger,
sans parler, comme s'ils avaient ete petrifies par cette apparition du
colonel, ses paroles et son depart.
Le baron s'avanca vers Carmelita; elle le regarda venir en attachant sur
lui des yeux qui jetaient des flammes.
--Vous plait-il que je vous reconduise chez vous? dit-il.
Sans lui repondre, Carmelita resta les yeux poses sur lui avec une
fixite si grande que malgre son assurance, il se sentit trouble.
--Quel guet-apens infame! dit-elle enfin en etendant son bras vers le
baron par un geste tragique.
Puis, detournant la tete avec degout:
--Lorenzo! dit-elle.
A cet appel, le maitre de chant eut un frisson, car la facon dont elle
avait prononce ce nom lui rappelait sans doute d'heureux souvenirs.
Cette fois elle mit encore plus de douceur dans son intonation.
Il s'avanca d'un pas vers elle.
--Voulez-vous me reconduire chez ma mere? dit-elle.
Et elle passa devant le baron en detournant la tete et le corps tout
entier, avec un mouvement d'epaules qui manifestait le dedain et le
mepris le plus profonds.
Lorsqu'elle fut sortie de la serre, elle prit le bras de Beio, et le
baron les vit s'eloigner, marchant d'un meme pas.
--Eh bien! elle n'a pas ete longue a prendre son parti, se dit-il; le
prince prendra-t-il le sien aussi facilement?
Mais cette pensee ne l'occupa pas longtemps, il avait un devoir a
remplir envers sa fille et il n'oubliait jamais ses devoirs.
Ne lui avait-il pas promis de l'avertir de ce qui se serait passe dans
cette entrevue?
Il entra chez elle.
Ida se tenait, le front appuye contre une fenetre de son appartement qui
donnait sur le jardin.
--Le colonel parti seul! s'ecria-t-elle; Carmelita partie avec M. Beio!
Qu'est-ce que cela signifie? Le colonel a-t-il vu Carmelita? l'a-t-il
entretenue comme il le desirait? sommes-nous arrives trop tard!
--N'anticipons pas, dit le baron en riant, et avant tout, chere fille,
parle-moi franchement? Que penses-tu du colonel?
--C'est la troisieme fois que tu me poses cette question: la premiere
fois, tu me l'as adressee lors de l'arrivee du colonel a Paris; la
seconde, un peu avant le depart du colonel pour la Suisse; enfin voici
maintenant que tu veux que je te repete ce que je t'ai deja dit. A quoi
bon?
--Dis toujours. Si le colonel me demande ta main un de ces jours,
dois-je repondre oui ou non? Il faut que je sois fixe.
--Que s'est-il donc passe?
--Il s'e
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